Zan, eau, nature en ville : le Cobaty Alès Cévennes explore les solutions de la ville de demain

12 février 2024

Moins de foncier et moins d’eau, impact accru du réchauffement climatique, davantage de réglementations et, en face, plus d’habitants chaque année dans l’agglomération d’Alès : comment aménager le territoire demain ? Avec, au fil des débats, plusieurs fois prononcée cette phrase-clé : « Si on était moins cons ».  
Plaisir d’avoir animé la conférence-débat du Cobaty Alès Cévennes, présidé par Sébastien Brujas, le 8 février à Digit’Alès Alès Myriapolis, en présence de 150 élus et professionnels de l’acte de bâtir. C’était aussi un retour, me concernant, dans le monde cobatyste, après avoir sévi au Cobaty Montpellier Méditerranée entre 2011 et 2017.

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©DR

Incohérences de l’État. Christophe Rivenq (Alès Agglomération) et Max Roustan, maire d’Alès , binôme politique aux manettes d’Alès et de son agglomération depuis près de 30 ans, ont fustigé les incohérences de l’État : « L’eau descend des Cévennes, et on la regarde passer sans l’arrêter. Si on était moins cons… » (signé Max Roustan) ; « Le programme de renouvellement urbain (180 M€ sur Alès), c’est très bien. Mais au final, on n’aura pas davantage de logements sociaux, alors que la demande est pressante » ; « Sur le programme tertiaire de 5.400 m2 aux Prés Saint-Jean, on a perdu 4 ans, parce que la DDTM du Gard n’était pas en phase avec ‘l’État d’en haut’, qui trouvait, lui, l’opération exemplaire » ; « Idem pour les thermes d’Allègre-les-Fumades. Nous les inaugurons enfin au printemps, au bout de… 20 ans », fulmine Max Roustan. Christophe Rivenq a rappelé sa menace de ne pas appliquer en l’état la Zan (Zéro artificialisation nette). S’il n’est pas opposé au principe de sobriété foncière, il en conteste les modalités d’application.

Piscine intercommunale : d’abord la couverture de la piscine de Salindres. Les élus ont aussi refait le point sur de nombreux projets en cours. La 2e piscine intercommunale sera située à Vézenobres, mais ne sera édifiée qu’après la couverture de l’actuelle piscine de Salindres. Christophe Rivenq mise toujours sur le vaste projet d’aménagement de Green Tech Vallée (environ 70 ha) autour de l’écologie et de l’environnement, et indique qu’il annoncera au printemps le lauréat du concours d’architecture de la rénovation de la Scène nationale du Cratère.

Solutions des pros. À leurs côtés, trois professionnels chevronnés ont dévoilé les solutions opérationnelles : Jean-François Blanchet (BRL) pousse à « davantage d’expérimentations sur l’eau. Si on était moins cons… » (bis), Emmanuelle Eustache, responsable du pôle Paysages à Cereg, a présenté les projets de nature en ville et désimperméabilisation des sols (cours d’écoles et de collèges notamment, dont un programme en cours dans le Gard avec le Département) – ses projections à croquer en cliquant ici : renaturation des abords des remparts d’Aigues-Mortes, aménagement du parvis du stade nautique d’Avignon (84), végétalisation et désimperméabilisation des cours d’école de Lunel et de Balaruc-les-Bains (34), gestion intégrée des eaux pluviales à Anduze (30), cohabitation des arbres et des réseaux enterrés (expertise apportée à Orange)…

Stéphanie Jannin, de la métropole aux petites communes cévenoles. Par ailleurs, l’architecte-urbaniste Stéphanie Jannin, enseignante à l’Ensam Montpellier aimant à se réfugier à Mialet (30), ex-adjointe au maire de Montpellier (2014-2020), accompagne désormais des villes de taille petite et moyenne dans leurs projets urbains, comme Tornac ou Saint-Ambroix (maire : Jean-Pierre de Faria). Dans le secteur central de cette commune, autour de l’ancienne gare (qui va être rouverte dans le cadre de la relance de la ligne Alès-Bessèges par la Région Occitanie), un appel à manifestation d’intérêt Usagers va être lancée, pour dérisquer l’opération auprès des promoteurs / aménageurs. « Nous partons de la demande potentielle, et concevons ensuite l’opération. C’est une nouvelle façon de voir les choses.Dans les temps difficiles, il faut être agiles et créatifs. » Elle évoque un « petit projet urbain complexe. Au final, il y aura 30 logements, au bout de 7 ou 8 ans, au mieux. Et il y a une gouvernance complexe, entre la Région, la SNCF, SNCF Réseau, la communauté de communes… Le dénominateur commun de ce jeu d’acteurs, c’est la commune ».  
Plus globalement, Stéphanie Jannin alerte, en matière d’immobilier, sur une « machine grippée. On ne mesure pas la tension résidentielle dans laquelle on va rentrer dans les années à venir. On risque de replonger dans une incapacité à loger les gens ».

L’enjeu de la densification des tissus pavillonnaires. Avec l’urbaniste Astrada, Stéphanie Jannin lance à Valergues (34) une étude relative au potentiel de densification des tissus pavillonnaires à court, moyen et long terme. « L’idée est que les élus reprennent la main sur ce secteur, et retrouvent des participations financières, pour financer les équipements publics, les réseaux. Car la densification des zones pavillonnaires va avoir un coût. Par exemple, à Valergues, une rue s’est transformée en trois ans, avec 50 % de logements en plus. Cela pose des problèmes d’espace vital, de voitures partout, de réseaux insuffisants… Ce type de mutation s’anticipe, en instaurant des dispositifs, comme le PUP (projet urbain partenarial) ou une taxe d’aménagement majoré. »  

Les couillons. « Les couillons, c’est ceux qui commencent à faire des économies trop tôt, a lancé Jean-François Blanchet (BRL). En matière d’agriculture, on demande aux agriculteurs de faire 10 % d’économies d’eau, là où en 30 ans, on a déjà fait 30 % d’économies… Alors que partout dans le monde, les exportations alimentaires commencent à baisser, sur fond de souveraineté alimentaire. De plus, je rappelle que les plantes ne trouvent pas d’eau dans le sol, quand il n’a pas plu depuis pratiquement six mois. Par ailleurs, il y a environ 1,5 à 2 degrés de plus de température. La plante, dans ce contexte, a un besoin d’eau augmenté de 15 %, du seul fait de cette augmentation de température. Au global, le besoin en eau des cultures, dans le contexte climatique actuel, ne peut qu’augmenter. Si on impose 10 % d’eau en moins, cela signifie moins de production agricole, et donc moins de souveraineté alimentaire, et plus de risques pour le pays à 10, 15 ans, en fonction des instabilités internationales qui sont en train de grandir. » 

Rhône : il y a de la marge. Préparant les esprits à une éventuelle future extension du réseau hydraulique régional, y compris jusqu’aux Pyrénées-Orientales (hors concession de BRL à ce stade), Jean-François Blanchet a minimisé les prélèvements opérés par BRL sur le fleuve Rhône. « En 2070, en période estival, le Rhône aura 55 % de débit en moins. C’est vrai, juste en été. Le volume apporté par le fleuve Rhône par an est 55 milliards de m3 d’eau. Les prélèvements, dans tout le bassin du Rhône, à date, c’est 3 milliards de m3 d’eau, soit 5 % de toute l’eau qui s’écoule à la mer. Nous, BRL, on prélève 150 millions de m3, c’est-à-dire 0,25 % de l’écoulement total du Rhône. Et on nous explique qu’il faudrait laisser l’eau douce devenir salée dans la mer, pour ensuite la dessaler pour la réutiliser ? Il faut des prélèvements, en étant bien sûr sobres dans les usages. De toutes les façons, l’eau est chère et va l’être de plus en plus, car il faut des aménagements et le financement public ne sera pas toujours là. Il faut renverser la table de la réflexion. »

BRL : 100 M€ en 10 ans. Le conseil d’administration de BRL a validé le 8 février un plan d’investissement de 100 M€ en 10 ans.  

  

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