Organiser une méthode pour parler d’une voix claire auprès des élus et de la société civile, et mieux porter les messages entrepreneuriaux via la création d’une « école du parti » : c’est l’une des urgences proclamée ce lundi 26 août sur la REF (Rencontre des Entrepreneurs de France) 2024 du Medef, portant sur le thème du pouvoir et des pouvoirs (publics et privés). En l’absence de gouvernement, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et son homologue du Sénat, Gérard Larcher, ont pris la parole, signe d’une reparlementarisation de la vie politique.
« Le nivellement par le bas nous est insupportable ». « Prestataires, sponsors, soutien aux athlètes : le patronat français a soutenu les JO Paris 2024, l’effort, l’excellence, la compétition, l’esprit collectif dans sa diversité, la convivialité et l’hospitalité. Ces JO ont été la victoire du génie français aux yeux du monde entier. Nous avons célébré une réussite française. » Avant de tracer le parallèle avec le monde de l’entreprise : « Pour nous, entrepreneurs, l’échec n’est pas une option, la compétition est notre quotidien, le nivellement par le bas nous est insupportable. »
L’entreprise, composante essentielle de la cohésion. Patrick Martin a rappelé le poids du Medef, première organisation patronale du pays : 101 fédérations professionnelles, 119 structures territoriales, 200.000 entreprises employant 10 millions de salariés. « La démocratie sociale est une composante essentielle de la cohésion du pays, surtout quand la démocratie politique est en crise. »
Perte de compétitivité. « La productivité a reculé de 3,5 % en 4 ans. La redresser est incontournable, a insisté Yaël Braun-Pivet. Pour cela, il faut continuer à investir massivement pour l’innovation. À travers France 2030, 56 Md€ ont été investis dans l’IA, l’espace, le nucléaire, la politique éducative, le retour à l’emploi et l’emploi des seniors. »
Le programme du NFP, un repoussoir pour le patronat et le centre. Selon elle, « la fiscalité doit encourager l’audace, et non pas punir la réussite (…). On ne doit surtout pas abandonner l’objectif de rétablissement de nos finances publiques, pour revenir à 3 % des déficits publics. Ce n’est pas une cible comptable, mais cela garantira notre capacité à agir, emprunter, investir, pour nos écoles, hôpitaux, la transition climatique, pour nos enfants ».
Pour Gérard Larcher, « laisser filer les déficits publics entraînerait une perte de souveraineté ». Pour Patrick Martin, la hausse du Smic à 1.600 euros net « à la charge des entreprises équivaudrait à une érosion des rentabilités, des destructions d’emplois, un écrasement des grilles salariales et une perte de compétitivité ». L’abrogation de la dernière réforme des retraites serait « inappropriée alors que la dernière réforme ne suffira pas à équilibrer durablement nos régimes par répartition. Retirer cette réforme serait un signal terrible pour les ménages et les entreprises. Depuis 1981, la France essaie de se dépêtrer d’une réforme politicienne, avec l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans (passé à 64 ans aujourd’hui). Ne remettons pas une pièce dans le juke-box, et créons des fonds de pension dans le privé, nécessaires au financement de son économie et à celui des retraites ». Par ailleurs, « remettre en cause la politique de l’offre accélèrera notre déclassement et se paiera cash ».
Rythme record de faillites. Avec 5.800 faillites en juillet, le nombre de dépôts de bilan atteint un « niveau record », selon Patrick Martin, qui reconnaît néanmoins un « effet positif des JO pour les services sur le 3e trimestre ». Mais « les situations des trésoreries se tendent. Les indicateurs de l’intérim et de la logistique continuent à se dégrader. L’indice PMI manufacturier baisse pour le 8e mois consécutif. L’investissement des entreprises diminue alors qu’il devrait augmenter, vu les enjeux environnementaux et de digitalisation ».
Corps de doctrine. Dans ce contexte chaotique, le patron des patrons entend créer un « front économique, mené par des chefs d’entreprises, des économistes indépendants, des think tank. Ce corps de doctrine apportera une vision étayée de la réalité de l’économie de marché, et de ce dont nous avons besoin ». L’objectif affiché est « d’imposer le primat de l’économie dans le débat public. Musclons nos analyses et nos positions. Il y a urgence. Les derniers débats électoraux n’ont pas abordé l’innovation, les investissements, les industries, la formation, l’emploi, la concurrence internationale… L’économiste Xavier Jaravel a remarqué que personne n’a parlé de création de richesse. Remettons les choses dans le bon ordre, en professionnalisant notre influence et en démultipliant les actions du Medef. Beaucoup de parlementaires ne sont pas assez conscients du problème de compétitivité des entreprises. Trop d’acteurs politiques méconnaissent nos réalités, nos projets, nos contraintes et nos réalisations. Porter la dépense publique de 57 % à 65 % du PIB, comme le prévoit le programme du NFP, ne ferait qu’aggraver nos maux. »
Synagogue de La Grande-Motte. La présidente de l’Assemblée nationale s’est exprimée devant les patrons nationaux sur l’attaque de la synagogue de La Grande-Motte, survenue samedi matin : « Cet acte est révélateur d’un antisémitisme croissant qui exige que nous nous rassembliions. Non à la haine, non à la stigmatisation, non au rejet. Nous serons là ensemble chaque fois que cela sera nécessaire », a-t-elle déclaré.
À la table du Medef Hautes-Pyrénées. Bertrand Dulon, expert-comptable à Tarbes (ACL Expertise), se rend à la REF pour la 2e année consécutive. « J’y puise beaucoup de positif, d’énergie. On y rencontre des patrons qui investissent, ont des idées, innovent, c’est une bonne bouffée d’oxygène pour la rentrée. Cet avis est partagé par les participants. Quand vous entendez le patron de TotalÉnergies expliquer l’écologie et le pétrole en 2 minutes de façon limpide, ou le patron de Dassault détailler les enjeux de l’armement et de l’indépendance de la France, c’est un éclairage totalement différent. »
Chez bon nombre de ses clients, « les décisions d’investissement sont reportés. Les banquiers demandent souvent d’attendre. » Il pointe des PME « à la valeur insoupçonnée », comme Sela, qui fait de l’éclairage pour les avions et les hélicoptères (45 salariés), ou Prugent (devantures de magasins dans le monde entier).
Pour Arnaud Pouey, qui exploite trois restaurants à Tarbes : « Le climat des affaires est marqué par la baisse du pouvoir d’achat. Les gens dépensent moins, on le constate depuis environ deux ans. Les 100 euros mis dans l’essence, l’électricité et les courses alimentaires ne sont plus mis dans la sortie au restaurant ». Dans son département, le nombre de redressements judiciaires s’accroît, « notamment dans le bâtiment et la restauration. Même si des activités tournent bien, comme Tarmac Aerosave ou la CAF ».
Laurent Sanchez, concessionnaire automobile, observe pour sa part une montée en puissance du leasing (location avec option d’achat), y compris chez les salariés, et un retour de l’achat de véhicules diesel, depuis la baisse du prix du gazole.
Dans l’incertitude ambiante qui règne en marge de la nomination du futur premier ministre, le Medef Occitanie renforce son lobbying auprès des parlementaires. « Il faut acculturer les députés aux enjeux du Medef. Nous devons agir en militants, et montrer que les entreprises sont une solution pour le pays », déclare Samuel Hervé, président du Medef Occitanie. « Beaucoup d’investissements sont en attente, car les chefs d’entreprise sont dans l’incertitude. On a besoin d’une visibilité fiscale, européenne et réglementaire. Une hausse éventuelle du Smic écraserait des marges déjà réduites, dans des secteurs comme le nettoyage et la sécurité », complète David Melenchon, président de l’UPE 30. Plus d’infos à croquer dans Midi Libre en cliquant ici. C’est un honneur de signer un article paru le jour du 80ᵉ anniversaire du journal.