Pour impulser une dynamique de cluster à l’échelle du territoire, Montpellier Méditerranée Métropole (3M) tient ses premières Rencontres des énergies renouvelables, le 20 juin à la Halle de l’Innovation, en présence de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de 3M, et des élus Hind Emad (développement économique) et Isabelle Touzard (gestion raisonnée, écologique et solidaire de l’eau et de l’assainissement). Sarah Nguyen Cao Khuong et Hubert Vialatte (Agencehv / Les Indiscrétions) ont eu le plaisir de coanimer les débats (référence en cliquant ici).
4e pilier. Urbasolar, Valeco, Arkolia, Qair, EDF Renouvelables, Eléments (plus grosse levée de fonds en Occitanie en 2023, avec 50 M€), Solarinblue (solaire flottant), SLB, Voltalia, Vestas, Bulane, TotalEnergies, plateforme de financement participatif Enerfip… Montpellier accueille depuis des décennies ces pépites des énergies renouvelables, dans une relative indifférence des pouvoirs publics. Pour réparer cette (relative) injustice, Montpellier Méditerranée Métropole pose son 4e pilier économique, avec les énergies renouvelables (l’article de la métropole en cliquant ici), après avoir acté le numérique, les ICC (industries culturelles et créatives) et la santé.
Des rencontres demandées par les professionnels. La métropole ne s’en cache pas : ces rencontres, organisées en présence de 150 professionnels, l’ont été à la demande de ces derniers. Signe qu’il y a une forte attente de leur côté pour que Montpellier s’affirme davantage comme une capitale des EnR, en complément de l’existant (Pôle Mer Méditerranée, Derbi, Cemater, Wind’Occ, démarche REPOS de la Région Occitanie…).
Poids économique. La filière pèse 4.000 emplois, avec plus de 100 acteurs, rappelle Jean-Michel Giraud, directeur de l’attractivité de 3M. « Le gisement d’emplois est gigantesque, car la filière peut potentiellement doubler d’ici 5 ans », glisse-t-il. Et les perspectives de croissance sont là, avec, par exemple, un doublement annoncé des effectifs d’EDF Renouvelables (implanté depuis 2020, comptant 200 salariés). Sofiane Boukebbous, directeur de développement de la zone Sud-Est et Outre-Mer, annonce les 400 salariés dans quelques années. Qair, qui porte le projet Eolmed (éolienne offshore) et Hyd’Occ (hydrogène décarboné) à Port-la-Nouvelle (11), s’implante sur 1.250 m² à Cambacérès, où il compte 120 salariés.
« Il y a beaucoup de services, d’ingénierie, de bureaux d’études, mais pas de projets industriels. De grands constructeurs comme Vestas ou Nordex sont venus voir, mais n’ont pas concrétisé, du fait que la région est peu industrielle et que l’État change les règles du jeu tout le temps. Nous n’avons pas réussi, collectivement, à faire en sorte qu’il y ait des projets industriels », regrette Jean-Marc Bouchet (Qair).
Henera, incubateur EDF / SLB dédié aux énergies décarbonées. Henera, incubateur des énergies décarbonées porté par le BIC de Montpellier, accompagne les jeunes entreprises innovantes dans le domaine des énergies décarbonées : production, stockage, distribution, pilotage… Les projets sélectionnés bénéficient d’un programme construit pendant 9 mois et dispensé par les groupes EDF et SLB. La première promotion compte 5 projets :
-CO2 Pulse, une plateforme digitale de décarbonation prédictive pour réduire les émissions de CO2 de la chaîne logistique.
– e-Ethylène : électrolyseurs pour produire de l’éthylène à partir des émissions de CO2 industriel.
– Everwinds : plateforme digitale pour offrir une seconde vie rentable aux parcs éoliens.
– Tellus AI : IA pour améliorer la prédiction climatique et réduire l’exposition aux risques climatiques.
– Humus : conception de système de production de chaleur par le compostage de la biomasse.
Qair et le goût du risque. Au total, Qair emploie 650 salariés à travers 20 implantations, pour un CA de 200 M€ en 2023. « Nous faisons nos armes en Occitanie, avant d’exporter notre savoir-faire à l’international, explique Guirec Dufour, DG de Qair France. En Ecosse par exemple, nous avons remporté un appel d’offres sur l’éolien offshore grâce à notre expérience accumulée depuis 2001 en Occitanie sur le sujet. » Au large des côtes du Brésil, Qair participe à un méga-projet mêlant solaire, hydrogène et éolien offshore, sur 750 ha. La dimension du risque est toujours présente sur les énergies renouvelables, entre variation des tarifs de rachat, évolutions réglementaires et législatives, dépendance au prix des matériaux (le budget d’Eolmed a explosé de 212 à 360 M€). Sur l’hydrogène, « il faut prendre le risque, sinon on n’en produira jamais. Nous construisons d’abord l’usine Hyd’Occ, en misant sur le fait que nous vendrons ensuite. Pour l’instant, des transporteurs et des collectivités sont intéressés », confie Jean-Marc Bouchet, fondateur et président de Qair.
Dimension de l’emploi. Baromètre des salaires cadres d’Expectra, job dating organisé par France Travail sur le salon Energaïa, formations courtes mises en place par Expectra pour transférer des compétences de secteurs en crise (comme l’immobilier en ce moment) vers les énergies renouvelables, mobilisation pour recruter au sein du vivier local et faire en sorte que les EnR ne créent pas des emplois que pour des cadres venant de Lyon ou Paris… La dynamique d’emploi et de formation a été sondée par Marie Kocaman (Expectra), Saada Dahmani (France Travail) et Alexandre Cichostepski (Elements). « Nous observons de fortes tensions de recrutements, notamment sur le poste technicien de maintenance ou qualité et les conducteurs de ligne », relève Saada Dahmani.
« Montpellier et l’Hérault sont des territoires pionniers dans le domaine des EnR, à l’échelle européenne. Les EnR posent des défis, comme le stockage d’énergie, qui est indispensable. Il nous faut unir nos forces, en termes de lobbying, pour que la filière continue à se développer. Évitons par ailleurs que nos développeurs changent d’entreprise tous les 2 ans, alors qu’il faut 8 ans pour développer un projet », relève Sylvain Panas, directeur régional de TotalEnergies. « Nous recherchons un emplacement en centre-ville pour notre futur siège. Le fait que le tramway soit gratuit est un argument de recrutement », confie aux Indiscrétions Sarah Tézenas du Montcel (Eléments).
Perspectives d’emplois. À l’échelle européenne, la seule filière photovoltaïque prévoit une croissance de 10 % à 58 % du nombre d’emplois d’ici à 2026, pour atteindre 1 million à 1,4 million d’emplois à l’horizon 2026-2027. La France comptait l’an dernier 40.000 emplois dans cette filière en 2023 (8e pays européen). En Europe, 60,9 GW ont été installés en 2023, soit une croissance de 51 % par rapport à 2022.
65 % d’énergies distribuées d’origine renouvelable d’ici 2050 : c’est l’ambition de la Métropole en matière de recours aux EnR. Outils utilisés pour relever ce « marathon de la décarbonation », selon l’expression d’Isabelle Touzard : schéma directeur des énergies, Plan Montpellier Solaire 2050 (pour atteindre 44 % d’électricité photovoltaïque dans la consommation en 2050, au lieu de 4 % en 2019), baisses de consommation dans l’habitat avec la rénovation de 4.500 logements par an, décarbonation des mobilités, triplement du réseau de chaleur urbain (biomasse locale, biogaz issu des déchets, chaleur de récupération et déchets), nouvelle centrale géothermique de Cambacérès…
« Les objectifs que l’on donne dans notre PCAET (Plan Climat Air-Energie territorial), nous devons les atteindre. Ce n’est pas simple. Nous n’avons pas, sur les 31 communes de la métropole, de gisements fonciers pour faire d’immenses champs de photovoltaïque, déclare Michaël Delafosse. Ce qui est fondamental, c’est d’être crédible. L’écosystème des EnR a vécu sans nous. La Région Occitanie a déjà pris de nombreuses initiatives. Mais nous pouvons aider à accélérer les EnR, pour devenir un territoire emblématique. La décarbonation est un enjeu majeur face à la question climatique, et de souveraineté démocratique. Nous sommes trop dépendants des pétromonarchies. » « Les énergies percutent nos vies, entre hausse des tarifs et changement climatique. Les EnR regroupent des enjeux d’emploi, de transition et de territoire démonstrateur. La marche est haute, mais on va la gravir ensemble », assure Hind Emad.
Le quartier Cambacérès alimenté par une centrale de géothermie. La première centrale de géothermie de la Métropole de Montpellier entre en service dans le quartier Cambacérès, apprend-on dans un communiqué de presse, en marge des Rencontres des énergies renouvelables. Cette centrale alimente déjà la gare Montpellier Sud de France et la Halle de l’Innovation en chauffage et en climatisation. Elle desservira à terme 450.000 m² de bâtiments tertiaires parmi lesquels la Halle Nova (à relire dans Les Indiscrétions ici), la Folie Cambacérès et le futur campus MBS (à relire dans Les Indiscrétions là). Elle évitera l’émission de 1.250 tonnes de CO2 par an. La centrale, dessinée par l’agence Coste Architectures (Montpellier), a nécessité un investissement global de 17,5 M€, dont 4,6 M€ financés par l’Ademe.