Dans le jargon des journalistes, il est ce qu’on appelle un bon client. Franc-parler, humour, clarté dans les propos, 1h30 d’échanges sans regarder sa montre une seule fois, et une forme de courage pour répondre aux opposants. S’il porte, avec Vinci Autoroutes, le projet de contournement ouest de Montpellier (et c’est son actualité, jusqu’en 2029, date prévue de livraison de l’infrastructure), Salvador Nunez, directeur d’opérations chez le concessionnaire autoroutier, a aussi évoqué de nombreux sujets de mobilité, le 19 janvier au Terminal#1 à Montpellier. Les Indiscrétions y étaient.
Making of. On en rêvait, Salvador l’a fait. Une photo de Salvador Nunez (Vinci Autoroutes) devant la projection d’une simulation du futur contournement ouest de Montpellier. Photo que toute la presse déchaînée a réalisée, le 19 janvier au matin. Même s’il y a une bouteille d’eau minérale au premier plan.
Où en est le Com ? Où en est le projet de contournement ouest de Montpellier (COM) ? « Nous sommes très actifs sur l’achat de foncier destiné aux compensations. Entre 130 et 150 hectares sont prévus. 100 ha ont déjà été signés », explique le directeur d’opérations de Vinci Autoroutes. L’enquête parcellaire sera lancée « fin mars. Nous sommes très avancés pour déclencher l’enquête environnementale, en septembre ou octobre. Suite à cette enquête, doivent intervenir, à partir de mi-2025, les travaux préparatoires, les déviations de réseaux et les fouilles archéologiques. Les travaux doivent démarrer début 2026 ».
« On n’enclave personne ». « Le but du COM est aussi que les projets de mobilité de Montpellier Méditerranée Métropole puissent se réaliser. Le COM comptera une dizaine de ponts, dont 6 ou 7 avant l’intersection avec l’A709, zone où un aménagement urbain sera à réaliser, trois viaducs et une trémie (le COM passera alors en-dessous du niveau de la circulation). On n’enclave personne. On s’inscrit dans la politique de mobilité actuelle, avec une voie dédiée aux bus, et des connexions prévues avec le réseau de tramway au niveau des ronds-points de Gennevaux (ligne 5) et de Rieucoulon. Toute politique de transport qui oppose entre eux les modes de transport est vouée à l’échec. En ville, les vélos, les bus, les tramways…, c’est très bien. Mais il y a aussi des gens qui habitent en périphérie et en zone rurale. Ces gens-là n’utilisent pas la voiture parce qu’ils adorent la voiture, mais parce qu’ils n’ont pas le choix. La voiture ne va pas disparaître. La vision de l’urbain qui n’a pas de voiture ne correspond pas à la réalité de tout le monde. Celui qui habite Gignac (cœur d’Hérault, secteur concerné par le COM car l’infrastructure désenclavera ce territoire en le reliant directement au sud de la métropole de Montpellier, note), ne mérite-t-il pas que l’on s’occupe de lui ? » Le technicien n’en défend pas moins l’intermodalité, dont il faut selon lui développer la culture. « Est-ce normal d’attendre de circuler de façon fluide jusqu’au centre-ville aux heures de pointes ? Dans des métropoles plus importantes comme Bordeaux ou Toulouse, et je ne parle pas de Paris, on ne se pose plus cette question. »
Moins d’impacts que prévu. Les domaines viticoles de l’Engarran et de Rieucoulon seront impactés « beaucoup moins de surfaces agricoles, d’activités commerciales et de bâtis que ce qui était prévu dans le tracé présenté à l’enquête publique. Les chiffres exacts sont en cours de finalisation. On entend beaucoup de contre-vérités sur ce projet. Les seuls à vraiment savoir, c’est mon équipe et moi-même. Nous seuls avons les plans ». En revanche, Iveco, à Saint-Jean-de-Védas, sera obligé de se déplacer. « Comme dans tous les projets de ce type, on se retrouve face à des situations ubuesques : un locataire qui ne veut pas partir alors que le propriétaire veut vendre, ou l’inverse. Certains propriétaires détiennent des fonciers en zone inondable, et sont persuadés par certains opérateurs privés, qui leur font des offres alléchantes, que leur zone deviendra constructible et qu’ils pourront en tirer un bon prix. Avec ma longue expérience en matière de projet autoroutier (doublement de l’A9 entre Perpignan et la frontière espagnole, doublement de l’A9 au droit de Montpellier, requalification de l’autoroute urbaine à Toulon…), je trouve que le COM se présente comme les autres dossiers. Nous enverrons des offres écrites à chaque propriétaire concerné au moment de l’enquête parcellaire. »
Pour le compte de l’État. « Nous travaillons pour le compte de l’État, et en son nom, rappelle-t-il. Les terrains que nous acquérons sont la propriété de l’État. Nous agissons en tant que concessionnaire, dans le cadre d’une forme de délégation de service public. » Aux opposants au projet, il déclare : « Ne vous trompez pas de cible. Le commanditaire du projet, c’est l’État, pas Vinci Autoroutes. »
Majorité silencieuse. L’ingénieur de rappeler que le projet de COM recueille un relatif consensus. « Les seuls qui s’agitent (AntiCom, qui demande un arrêt du projet), c’est ceux qui sont relayés par les médias, tacle-t-il. Cela m’amuse, et cela occupe les gens qui font de la communication pour Vinci Autoroutes (en se tournant vers son service de communication). Mais moi, quand je communique, je m’adresse à la majorité silencieuse. Le comité de quartier de La Martelle est par exemple favorable au projet. Ses représentants m’ont dit qu’ils considéraient que leur cadre de vie serait amélioré. C’est ce qui ressort aussi des échanges réalisés sur le terrain, depuis septembre, par nos trois agents de liaison. J’ai rarement vu des projets routiers où les gens concernés sont autant favorables au projet. Par ailleurs, les maires concernés, ceux de Juvignac, Montpellier et Saint-Jean-de-Védas, sont tous pour. » Les élus écologistes Coralie Mantion et Manu Reynaud, membres de la majorité de Michaël Delafosse à Montpellier, sont en revanche, depuis le début, opposés au projet de COM.
Bataille de chiffres sur la pollution. Une étude menée par les Shifters indique le COM va aggraver la pollution, et non pas la diminuer (relire l’article de 20 minutes, décembre 2023, ici). « Le COM sortira le trafic de transit des artères de Montpellier. Il diminuera donc de façon conséquente la pollution en ville, ce qui améliorera le cadre de vie de beaucoup d’habitants des secteurs des grands boulevards et de l’avenue de la Liberté. Sur l’axe actuel entre Juvignac et Saint-Jean-de-Védas (le projet de COM consiste à passer à 2X2 voies une route déjà existante, aménagée en 2X1 voie, note), circulent en moyenne chaque jour entre 25.000 et 32.000 véhicules. Sur le COM, nous prévoyons entre 54.000 et 75.000 véhicules en moyenne par jour, selon les sections. Cette augmentation s’explique par le fait que le trafic de transit sera sorti de la ville, ce qui est vertueux. Le mode de calcul du trafic induit est sujet à caution. Prenez la nouvelle autoroute A9, au sud de Montpellier, inaugurée en 2017 et dédiée au trafic de transit : il n’y a pas davantage de trafic de transit sur ce nouvel axe. »
300 M€. Le coût actualisé du projet du COM s’élève à environ 300 M€, sous l’effet de l’inflation (270 M€ initialement).
A709 : pas de transfert en vue. Un temps évoqué, le transfert de l’A709, boulevard urbain au sud de Montpellier, à la métropole de Montpellier, n’est plus d’actualité, selon Salvador Nunez. « Une telle infrastructure coûte très cher, en termes d’exploitation, à son propriétaire. Même si vous ne faites rien. De plus, cette autoroute commence à être vieille, et va nécessiter des investissements liés à son entretien. Investissements qui ne règleront en rien ses problèmes de congestion aux heures de pointe. »
Rond-point du Zénith sur l’A709 : « On se trompe avec la solution du trèfle ». Consulté par la métropole de Montpellier et le Département de l’Hérault à propos des embouteillages journaliers à hauteur du rond-point du Zénith (sortie Montpellier Est), l’expert estime que « l’on se trompe avec la solution de l’aménagement en trèfle, très autoroutière. Cela occupera beaucoup d’espace, et apportera peu de solutions vu le niveau de trafic actuel. Si vous ne traitez que ce rond-point, il faudra tout casser et tout refaire. Je pense qu’il vaut mieux garder ce qu’il y a, quitte à instaurer des feux, pour gérer la congestion. La seule bonne solution, de mon point de vue, c’est d’enlever du trafic sur cet échangeur, en créant des sorties directement là où les gens veulent aller. Je ne suis qu’un technicien, mais qui connaît quand même très bien le sujet. Ce sont des petits aménagements, pas très coûteux. Mais il faut que ceux qui décident, le décident, et financent ».
Loi Serm. « Nous allons être associés, au niveau technique, à la candidature de la métropole de Montpellier pour être éligible à la loi Serm (services express régionaux métropolitains). Ce serait logique que Vinci Autoroutes y participe. Nous exploitons sur le territoire des artères fondamentales pour les mobilités : A709 et, demain (à partir de 2030, note), le COM. Et nous détenons des solutions techniques, que l’on a proposés depuis longtemps, à même de répondre aux besoins. »