Porté depuis 7 ans par la famille Nicollin, propriétaire du MHSC (football, Ligue 1) et du Groupe Nicollin, spécialisé dans la collecte des déchets, le nettoyage urbain et l’eau (7.500 salariés), le projet de nouveau stade de football Louis-Nicollin, au sud de Montpellier, est en passe d’être abandonné.
Coup de sifflet final pour le projet de stade de football Louis-Nicollin, prévu à Pérols, au sud de Montpellier ? L’annonce, en juillet, du quasi-retrait de la Banque des Territoires du tour de table financier – de 113 millions, d’après nos informations, à un montant bien moindre – sonne comme un tacle appuyé. Et un nouveau coup dur, après le retrait de partenaires privés locaux initialement prévus dans le montage financier : Oc Santé, Tissot, GGL, FDI…
Le coût de l’enceinte de 24.000 places a, inflation oblige, doublé, passant d’environ 120 millions d’euros en 2016 à 240 millions d’euros aujourd’hui. À cela, s’ajoute la hausse des taux d’intérêt. « Si le permis de construire n’est pas déposé en décembre, j’annule le projet », répète Laurent Nicollin, président du MHSC, qui n’a pas souhaité s’exprimer plus avant auprès des Échos et des Indiscrétions. « Aujourd’hui, ce n’est plus le même dossier. Les taux d’intérêt sont passés de 1 % à 4 %. J’ai le sentiment que Laurent Nicollin se demande si ça vaut le coup de continuer à se battre », glisse une source proche. Aux côtés de son frère Olivier, il a pourtant mouillé le maillot. Le club a déjà injecté « entre 4 et 5 millions, en études et honoraires notamment », selon cette même source. Pour les deux dirigeants, le projet de nouveau stade revêt une dimension stratégique quant à la viabilité économique du club (lire ci-contre). Actuellement, le MHSC loue le Stade la Mosson, propriété de la métropole de Montpellier. C’est là que le club est né, en 1974. L’enceinte, bâtie dans une zone inondable, est, depuis, devenue obsolète. Elle souffre par ailleurs du manque d’équipements de loisirs, qui pourraient inciter les supporters à venir en famille avant les matchs, et à rester après.
Jeux politiques. Outre la dégradation de la conjoncture financière, le stade Louis-Nicollin est victime de jeux politiques. Sur le plan local, tout d’abord. Le site initial, prévu dans le quartier de la nouvelle gare TGV par Philippe Saurel, maire de Montpellier entre 2014 et 2020, a été écarté par Michaël Delafosse, maire élu en 2020. Ce dernier avait en effet fait campagne, en 2020, pour l’implantation du stade à Pérols, en lieu et place du projet commercial porté par Frey, sur une parcelle d’une dizaine d’hectares, qui semble maudite. Sur le plan national, le retrait subit de la Banque des Territoires, alors que la ministre des Sports avait fait fuiter sur les réseaux sociaux, en mai, les images du projet, pourrait venir de l’Élysée, de sources proches. « Delafosse a joué un jeu dangereux, en se positionnant contre le projet de réforme des retraites. Cela a pu agacer au plus haut sommet de l’État, d’autant plus que la réforme avait besoin d’appui d’élus locaux majeurs, dont il fait partie », analyse un acteur immobilier, connaisseur du dossier.
« Cette rumeur n’est pas fondée. Il n’y a pas de signe de désengagement de l’État. De plus, la Banque des Territoires procède souvent ainsi sur de grands projets », tempère Christian Assaf, délégué aux politiques sportives de la métropole Montpellier Méditerranée. Tout est en tout cas à refaire, avec une nouvelle méthode. « On part désormais de la capacité financière, pour voir ce qui est réalisable, au lieu de partir du projet et de s’occuper ensuite du financement », concède-t-il. Un nouveau tour de table financier est étudié avec, aux côtés de la Banque des Territoires, la constitution d’un pool bancaire. « Mais le projet n’est pas du tout enterré », assure-t-il.
Casino. Début septembre, la montpelliéraine Patricia Mirallès, secrétaire d’État aux Anciens Combattants, ex-députée LREM et possible prochaine candidate aux municipales de 2026 à Montpellier, a estimé dans Midi Libre « Il y a la solution d’intégrer un casino de jeux dans le projet, pour trouver une nouvelle source de financements », a déclaré le 9 octobre François-Xavier Lauch.
Montage financier. Le montage financier lui-même semble sujet à caution. « Les Nicollin ont prévu d’injecter, via leur holding, en fonds propres entre 20 et 30 millions d’euros, soit environ 10 % du coût global, confie un acteur de la place. C’est à la fois beaucoup, et pas assez. Leur groupe est certes puissant (450 millions d’euros de chiffre d’affaires). Mais il ne peut pas investir au même niveau qu’un Jean-Michel Aulas à Lyon, qui a mis 150 millions d’euros à travers sa holding, soit un tiers du coût du projet. »
Autre point bloquant, les six investisseurs privés initiaux devaient injecter 30 millions d’euros, avec un rendement de 2 %. « Nous avons demandé de retravailler la partie immobilière du dossier, pour faire vivre les abords du stade en dehors des jours du match. Mais le dialogue avec les équipes du MHSC n’a pas été très constructif. Ils avaient face à eux des professionnels de l’immobilier, et on a vu que l’économie de l’immobilier n’était pas leur métier », complète un interlocuteur. « Faire financer le projet par les loyers de bureaux et de commerces, alors que ces secteurs sont en panne, c’est un montage surréaliste. Les Nicollin auraient dû s’attacher les services d’un ‘spin doctor’, d’un professionnel du lobbying. »
L’intérêt d’un stade en propriété. « C’est un arrachement que de quitter La Paillade. Mais il faut vivre avec son temps », déclarait Louis Nicollin en 2016, un an avant son décès, lors de la première présentation à la presse du projet de nouveau stade. Le fondateur du MHSC, originaire de Lyon, s’appuyait sur le modèle de l’OL Vallée à Décines, porté par Jean-Michel Aulas. Dans le dossier de concertation, le MHSC décline les atouts d’un stade en propriété : développement des recettes de billetterie, création d’un lieu de vie avant, pendant et après le match, pilotage de l’exploitation du stade, diversification des sources de revenus par l’accueil d’autres manifestations (sportives, culturelles, séminaires…), sécurisation de la gestion du club par de nouveaux actifs, « afin de moins dépendre du marché des transferts et des droits télés », souligne Laurent Nicollin, président du MHSC depuis 2017, par ailleurs président de syndicat de clubs professionnels Foot Unis. Jusqu’à présent, le MHSC est souvent « dans l’obligation de vendre ses meilleurs joueurs pour équilibrer son budget », ce qui est un frein pour jouer les premiers rôles en Ligue 1. Même si ‘La Paillade’ a réussi l’exploit d’être sacrée champion de France en 2012, avec le 13e budget. Le budget 2023-2024 s’élève à 52 millions d’euros.
Un sujet de campagne pour 2026. « Aujourd’hui, tous les acquéreurs doivent amener au minimum 30 % de fonds propres, conclut une observatrice. En période de crise, les chiffres sont inflexibles. En l’occurrence, pour le stade Louis-Nicollin, le coût du projet a été sous-évalué, la maître d’ouvrage connaît une perte de solvabilité, les conditions d’accès au crédit se sont durcies, et le montage a été mal pensé. » Avant de conclure ironiquement : « Les supporters du club vont devoir s’y faire : Paillade un jour, Paillade toujours ! » Le sujet, autant politique que sportif, devrait s’inviter dans la campagne des élections municipales 2026.