Soutenue par l’État à hauteur de 200 M€, la gigafactory de Genvia sera implantée à Béziers, annonce la CEO de Genvia, Florence Lambert, le 31 janvier. Des électrolyseurs à haute température y seront fabriquées, pour décarboner l’industrie et la mobilité. Avec de premières applications sur le site d’Arcelor Mittal à Saint-Chély-d’Apcher (48) et Airbus.
Autre annonce, faite celle-ci par Olivier Peyret, président de SLB France, en fin de point presse : l’usine SLB Cameron de Béziers va être partiellement convertie dans les nouvelles énergies. Comme quoi, une info peut en cacher une autre.
Protocole foncier pour Mazeran. Dans la course mondiale à la production d’hydrogène décarboné, l’industriel Genvia, dont la technologie mise sur les électrolyseurs à haute température, entend accélérer. Ce 31 janvier, lors d’une conférence de presse à Béziers, Florence Lambert, CEO de Genvia, et Robert Ménard, maire de Béziers, ont dévoilé un protocole foncier d’étude en vue de l’implantation de la future usine, sur une parcelle de 49 hectares de la Zac Mazeran, aménagée par Viaterra. À terme, cette gigafactory, soutenue par l’État à hauteur de 200 M€ dans le cadre de France 2030, produira « plusieurs milliers d’électrolyseurs par an, pour décarboner notamment l’industrie », explique Florence Lambert. L’usine ne sortira cependant pas de terre d’un seul coup. Des unités seront créées au fur et à mesure, en fonction de l’évolution de la demande du marché, tempère-t-elle. Elle évoque un site « pour les décennies à venir ».
« Ces 49 hectares ne seront pas enlevés du Scot (en termes de foncier artificialisé, note), déclare Robert Ménard, aux côtés de Florence Brutus, qui pilote pour la Région Occitanie la révision du schéma régional d’aménagement, de développement et d’égalité des territoires. Ce qu’on donne à Genvia ne sera pas enlevé aux besoins des autres entreprises. » « La sobriété foncière ne doit pas bloquer de grands projets comme Genvia, qui contribuent à l’environnement. L’État sera au rendez-vous des autorisations à donner. Nous ferons tout pour mettre en œuvre ce leader mondial, et dans cet objectif, la vitesse fait la différence », confirme François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault.
« L’hydrogène est un moyen de décarboner l’industrie. L’Hérault est faiblement industriel, et nous démontrons, à travers ce projet, que l’on peut le réindustrialiser, témoigne François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault. La bonne nouvelle, c’est que Genvia, est à l’heure. C’est un leader mondial développé ici, face à des rivaux américains et danois. La solution devra être livrée au meilleur prix, avec les meilleurs coûts de production. C’est une course contre la montre qui est engagée pour produire de l’hydrogène décarboné accessible pour le marché. » Outre l’hydrogène, il identifie « les carburants durables et l’éolien offshore » comme des « enjeux de souveraineté nationale. Ce qui se passe en ce moment à Béziers, c’est l’équivalent du plan nucléaire de l’époque ».
Tests à venir en Lozère. Après l’installation d’un démonstrateur, en mars, sur le site de SLB (Schlumberger-Cameron) Béziers où elle est pour l’instant hébergée, Genvia testera en 2025 sa technologie dans le site d’Arcelor Mittal (aciers spéciaux) de Saint-Chély-d’Apcher, en Lozère. L’objectif va être de « connecter l’électrolyseur à une source de chaleur pour le rendre plus efficace, en utilisant moins d’énergie », précise la scientifique.
Cet électrolyseur mesurera environ 20 mètres sur 15, et pèsera plus de 100 tonnes. Les autres électrolyseurs à venir ne feront pas forcément cette taille.
Partenariats. Des partenariats sont conclus avec le technocampus Laplace à Toulouse, « pour mieux développer notre technologie », avec le cluster ITS Fusion (Béziers) « pour les procédés de fabrication » et avec Airbus pour des travaux en cours relatifs aux carburants de synthèse. « Il y a beaucoup d’annonces autour de l’hydrogène. Pouvoir expérimenter des usages va être formidable », complète Florence Lambert.
Levée de fonds de plusieurs centaines de millions d’euros en 2026. Doit suivre, en 2026, après la fin des tests – et si ceux-ci s’avèrent concluants – une levée de fonds de plusieurs centaines de millions d’euros, pour passer à la phase industrielle. Des verrous technologiques relatifs à la haute température restent cependant encore à lever, indique une source proche. Genvia, qui emploie 140 salariés, fait valoir les quelque 70 brevets déjà déposés, dont 30 depuis deux ans, pour produire de l’hydrogène sans eau liquide, avec moins d’électricité et sans dépendance aux matériaux critiques et aux terres rares. De quoi peser face aux deux principaux concurrents mondiaux, l’Américain Bloom Energy et le Danois Haldor Topsoe. « Nous allons expérimenter des usages, pour cerner ce que fera, ou ne fera pas, l’hydrogène pour décarboner l’industrie », admet Florence Lambert. Après Arcelor, d’autres secteurs viendront, « dans la chimie, l’ammoniac ou les carburants de synthèse. Genvia va ‘renifler’ les possibilités de chaleur dans les sites industriels pour y connecter ses électrolyseurs et produire de l’hydrogène moins cher. En tant qu’ingénieur, je n’ai aucun doute sur le fait que l’hydrogène sera une pièce maîtresse de la transition énergétique. Mais il ne faut pas aller trop vite, et rester prudents. Le marché de l’hydrogène est un nouveau marché, qui se configure, avec de nouvelles technologies. C’est aussi l’occasion de remettre le goût du risque à l’honneur, à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle ».
Avec Polytech, un parcours complet de formation. Genvia, détenue par un consortium public-privé, constitué de SLB, CEA Investissement, Vicat, VINCI Construction et l’Agence régionale des Investissements stratégiques Occitanie, pourra aussi s’appuyer sur un écosystème local, porté par l’écosystème Eden (rejoint par EDF et Suez) et réunissant notamment le cluster industriel ITS Fusion et, à venir, l’implantation d’une école d’ingénieurs Polytech (Les Indiscrétions du 15 janvier, à croquer ici). « Il existe désormais dans le Biterrois un parcours complet, du Bac Pro au Bac + 5, avec des formations de conduites de ligne, de maintenance/qualité, d’ingénieur », souligne Jalil Benabdillah, vice-président de la Région Occitanie délégué à l’économie, l’emploi, la réindustrialisation et l’innovation.
600 emplois entre Genvia et ECM Technologies. Futur sous-traitant de Genvia, l’ETI familiale ECM Technologies (Grenoble), leader mondial de la fabrication de fours industriels et du traitement thermique, doit s’implanter sur environ 6 hectares, dans un parc d’activités de la Région Occitanie, à Montady et Colombiers, à l’ouest de Béziers, embranché au réseau ferroviaire. L’activité d’ECM consistera à fabriquer pour Genvia des fours permettant de maintenir ses électrolyseurs à haute température (700 degrés). Les deux projets industriels, créateurs d’environ 650 emplois directs (400 pour Genvia, 250 pour ECM), sont prévus à l’horizon 2028, indique Florence Lambert. À ce jour, Genvia emploie 140 salariés, « dont la moitié sont mis à disposition par les actionnaires, dont SLB », précise Florence Lambert.
Genvia pour les nuls. On reconnaît une qualité à Florence Lambert, c’est sa patience pour expliquer, toujours et encore, avec la même flamme qu’au premier jour, la technologie innovante de Genvia. Les électrolyseurs haute température pour les nuls, c’est dans cette vidéo, en cliquant ici.
Une info peut en cacher une autre. Une autre perspective industrielle liée à la transition énergétique a été annoncée. L’usine SLB Cameron de Béziers, dirigée par Luc Mas, va en effet être partiellement convertie dans les nouvelles énergies. SLB réalise depuis 60 ans des grosses pièces mécaniques dans les secteurs du gaz et du pétrole. « SLB s’est focalisé sur la robotique, explique Olivier Peyret, président de SLB France. Pour avoir un outil manufacturier compétitif, il faut miser sur les robots. Nous avons développé une chaîne unique dans l’automatisation de la fabrication de grosses pièces usinées. » L’objectif serait d’étendre ce site, pour fabriquer des pièces mécaniques destinées aux énergies décarbonées, notamment l’éolien offshore. L’investissement de cette extension pourrait se chiffrer à 100 millions d’euros, indiquent plusieurs sources aux Echos. « Le site de SLB Béziers est compétitif. Nous y avons d’ailleurs rapatrié des pièces qui étaient fabriquées auparavant en Chine, et nous arrivons à les produire moins chères à Béziers. Il n’y a pas de fatalité à la désindustrialisation », martèle Olivier Peyret. Pour Luc Mas, « c’est une renaissance pour le site SLB de Béziers. Nous étions passés de 1 Md€ de CA à 100 M€, et pensions fermer. Aujourd’hui, les planètes s’alignent ».