La transition énergétique entre ambition et blocages en Occitanie. Comment dépasser les difficultés liées à la transition énergétique ? 150 décideurs ont répondu présents au premier petit-déjeuner thématique organisé par Agencehv ce 27 mars à Horizon Resort Massane (Groupe Eoden, Baillargues, 34). L’événement a été organisé en partenariat avec TotalEnergies, Enedis et la Région Occitanie.

Une transition énergétique trop lente ? « En Occitanie, TotalEnergies compte environ 300 MW de projets renouvelables en cours de développement, qui sont bloqués dans les tuyaux administratifs. Pour certains d’entre eux, on n’a plus aucun retour des services de l’État depuis plus de deux ans. Donc pour atteindre les objectifs fixés à l’échelle régionale et nationale, c’est compliqué. Cela représente environ 400 M€ d’investissements qui sont bloqués », grince Sylvain Panas, directeur Occitanie de TotalEnergies.
Ils parlent de nous. Avec 150 élus et chefs d’entreprises présents, la table ronde fait l’objet de réactions sur LinkedIn. Posts à croquer : Gilles Pinel (Enedis), Arthur Loyd Occitanie Méditerranée, Anna Rosique (TotalEnergies), le toulousain Jean François Audiguier, (Agence Audiguier), Jean-Charles Antoine (Groupe PSI Sécurité) ou encore Vanessa Chapelle (Banque Dupuy, De Parseval).

Contexte géopolitique. « 70 % de l’énergie consommée en France vient du gaz ou du pétrole que nous importons. Il y a un véritable enjeu de souveraineté énergétique et de niveau d’émission de CO2 », enchaîne le directeur Occitanie de TotalEnergies.
Rattraper le retard. « Une grande partie de la filière photovoltaïque était complètement produite en Chine. On est en train de rééquilibrer cela, parce que nous n’avons pas su être au rendez-vous il y a 10 ou 15 ans lorsque nous y étions invités. À mon sens, nous sommes en train de renouveler les mêmes erreurs », estime Christian Assaf, président de l’AREC Occitanie et conseiller régional.
Eolmed à Port-La Nouvelle (11). Sur le projet Eolmed (dont TotalEnergies est actionnaire), déficitaire, Sylvain Panas estime qu’il faut mettre en cohérence le prix de développement d’une éolienne offshore et le prix de rachat par l’Etat (qui n’a pas été revu, malgré une explosion du budget, du fait de l’inflation en dix ans). « Comme pour tous les projets où il y a une innovation technique, c’est semé d’embûches. Il y a un recours en justice qui est en cours pour demander une réévaluation du prix de revente de l’électricité qui sera produite par ce parc d’éoliennes. Il y a une dérive d’environ 15 % entre le prix initial et le prix final. En cause, évidemment l’inflation, mais aussi la capacité de production de nos sous-traitants industriels régionaux. La désindustrialisation progressive de la région engendre des difficultés lorsqu’il s’agit d’essayer de développer des projets type Eolmed », poursuit-il.

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Un parc éolien et photovoltaïque à Cuxac-d’Aude. Depuis fin 2023, un parc photovoltaïque développé avec TotalEnergies est en service à Cuxac-d’Aude. « C’est une installation qui se déploie sur un peu plus de 3 ha et une puissance de 3,4 MW », explique Grégory Delfour, maire (DVG) depuis 2022 de la commune de Cuxac-d’Aude, qui compte 4.100 habitants et fait partie de la communauté d’agglomération du Grand Narbonne. Ce projet combine la production d’énergies renouvelables (éolien et panneaux solaires) et prévoit du pastoralisme. « Elle est impactée via tous les bénéfices que ça génère : protection contre les périodes caniculaires, la protection contre la crève, le maintien de certains taux d’humidité… », explique le maire.
250 k€ de revenus annuels. Sur la commune audoise, ce projet est significatif : « Entre les deux parcs éoliens et le parc photovoltaïque, on génère environ 250 k€ de revenus par an, garantis pendant 20 ans. Ce n’est pas négligeable pour une commune de notre taille, où on a environ 3 M€ d’investissement par an. Ça représente entre 10 et 15 % d’un investissement qui est garanti par ces ressources-là annuellement », explique-t-il. Ces ressources permettent de soutenir des projets locaux, tels que « la construction d’un court de tennis, l’éclairage du stade, la réfection d’une voirie », égrène-t-il. Huit éoliennes sont présentes sur la commune.
96 M€ investis par Enedis d’ici 2040. « La transition énergétique est en marche », souligne pour sa part Gilles Pinel, directeur Occitanie Est d’Enedis, qui raccorde 90 % des installations d’énergies renouvelables en France. La puissance raccordée a quasiment triplé, passant de 2 GW en 2023 à 5,4 GW en 2024. En Occitanie, le Schéma régional de raccordement aux énergies renouvelables, validé début 2023, vise 6.800 MW supplémentaires d’ici 2030. Cette montée en puissance repose sur l’optimisation du réseau existant (4 800 MW) et la construction de nouvelles infrastructures (2 000 MW). « Nous avons besoin de 96 Md€ d’investissements entre 2022 et 2040, avec un budget annuel de 5 à 6 Md€ », précise Gilles Pinel. Enedis bénéficie d’une visibilité à long terme grâce à son financement par périodes tarifaires de quatre ans. «Nous entrons cet été dans la septième période », ajoute-t-il. Le développement des énergies renouvelables accentue la nécessité d’adapter le réseau. «Plus on produit de façon décentralisée, plus on a besoin de renforcer et de rendre intelligentes les infrastructures, pour s’adapter à l’intermittence de la production des énergies renouvelables. Lorsque l’on investit un euro dans une capacité de production renouvelable, il faut investir un euro dans le réseau », explique-t-il.
La fusion Arec/Arac (Occitanie), à même d’accélérer la transition énergétique. « À la Région Occitanie, on produit des politiques publiques, on distribue des subventions et on se rend compte que les dossiers sont complexes et que les dates d’instruction sont importantes. C’est la raison pour laquelle nous avons créé l’AREC (agence régionale énergie climat). Elle permet de capitaliser des fonds publics, mais aussi des fonds privés. L’AREC a été une façon d’aider les communes et intercommunalités d’Occitanie à s’équiper en matière d’ingénierie sur différents projets, et de les aider à financer ces projets », explique son président. Volonté de Carole Delga, présidente (PS) de la Région Occitanie, l’AREC Occitanie va fusionner avec l’ARAC (agence régionale aménagement construction, note) en 2026. Pourquoi cette fusion ? « L’argent public est rare, donc nous avons choisi de regrouper les agences pour faire des économies financières, notamment sur les fonctions d’appui. Au-delà de ça, il y a l’idée d’aider à ce que dans cette région, il y ait deux véritables filières autour de la transition énergétique qui se constituent. Le but est d’intégrer dans l’acte de bâtir (lycées et zones d’activités économiques, pour l’Arac) les questions environnementales », répond Christian Assaf.
Décarboner l’industrie. Dispositif de tiers-financement des projets industriels de transition énergétique, Fiteeo a été lancé en 2021. « Ce dispositif permet à des entreprises de se décarboner sans pour autant consacrer une grosse partie de leur trésorerie dans cette décarbonation », précise Christian Assaf. Cocréée par l’Arec Occitanie et GreenFlex, filiale de TotalEnergies, Fiteeo est un « excellent exemple de partenariat public-privé. Cela permet à un industriel qui paye des loyers d’absorber ce coût par les économies d’énergie qu’il réalise », observe Sylvain Panas, qui dirigeait GreenFlex en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine au moment du lancement de Fiteeo.
Fonds OCCTE. « Son objectif est de contribuer à décarboner une partie de l’économie régionale. Plus de 100 M€ ont déjà été levés. Ce fonds permet de rendre tangible, au plus près des territoires, cette transition écologique nécessaire. Lorsque l’on met en place un grand plan de développement des panneaux photovoltaïques, on s’attache à faire en sorte que des communes, aussi petites soient-elles, en bénéficient », détaille Christian Assaf.
Recrutement et féminisation des métiers. Enedis intensifie ses recrutements. « Nous prévoyons 300 embauches en Occitanie, dont 140 en alternance, et 3.380 en France », détaille Gilles Pinel. « Entre 2022 et 2024, les recrutements en CDI en Occitanie Est passent de 20 à plus de 70 personnes. Les besoins concernent principalement les techniciens d’interventions (50%), les ingénieurs et chefs de projets (40%) ainsi que les fonctions d’appui et cadres (10%)», précise-t-il.
Un enjeu majeur reste la féminisation des métiers techniques. « Nous progressons sur les postes de management, mais les métiers de terrain restent perçus comme masculins », regrette-t-il. Enedis s’efforce de « briser ces stéréotypes » et de sensibiliser dès le collège. «Ces métiers ne sont pas réservés aux hommes », tranche Gilles Pinel. L’entreprise mise aussi sur la reconversion des adultes, y compris ceux issus d’autres secteurs. « Il faut aller chercher ces profils, même sans formation initiale en électricité », conclut-il.
Faire feu de tout bois. « Écoles, piscines, bâtiments administratifs… Montpellier Méditerranée Métropole élabore un schéma directeur pour déployer les énergies renouvelables partout où c’est possible, notamment en toiture », annonce Isabelle Touzard, vice-présidente de la Métropole de Montpellier. Au-delà des infrastructures publiques, les énergies renouvelables sont aussi une solution accessible aux citoyens. «Le réseau de chaleur permet d’acheminer une énergie renouvelable au pied des immeubles, avec une facture énergétique réduite, à hauteur de 50 € par mois », souligne-t-elle. Une alternative qui conjugue durabilité et justice sociale, « on peut concilier renouvelable et pouvoir d’achat, un enjeu important dans le contexte actuel ». Pour encourager les habitants à se tourner vers l’énergie solaire, la métropole met en place un cadastre solaire. « Cet outil en ligne permet à chacun d’estimer le potentiel de production sur sa toiture », explique-t-elle.
Exploiter toutes les sources d’énergie disponibles. Si le photovoltaïque et l’éolien sont souvent mis en avant, d’autres sources d’énergie méritent d’être exploitées, notamment en milieu urbain. «L’énergie fatale de récupération joue un rôle clé sur notre territoire », affirme-t-elle. Il s’agit de valoriser la chaleur issue d’activités locales, comme les eaux usées, les déchets ou encore les centres informatiques. « Les serveurs produisent de la chaleur que l’on peut récupérer », souffle-t-elle. Une étude est en cours pour identifier les potentiels de géothermie au nord de Montpellier.
Réforme des tarifs photovoltaïques : « une schizophrénie de nos élus nationaux ». C’est ce que dénonce Stéphane Bozzarelli, président de Dev’EnR (producteur d’énergies renouvelables) et du cluster régional Cemater. « On voit la volonté des territoires d’accompagner le développement des énergies renouvelables, que ce soit à la métropole ou que ce soit à la région. En face de ça, on a des lois qui sont totalement décorrélées de la réalité du terrain », alerte-t-il.
60.000 emplois. « Sur l’acte de bâtir, nous avons aujourd’hui des obligations ou des quasi-obligations de mettre du solaire sur des toitures, bâtiments neufs et après-demain sur tous les bâtiments. En parallèle, on est en train de remettre en cause le tarif d’achat qui permet de faire ces projets, ce qui s’appelle le tarif S21. Ce sont 60.000 emplois qui sont en jeu sur ce sujet au niveau national », poursuit Stéphane Bozzarelli. « Le meilleur des kWh, c’est celui qu’on ne consomme pas », martèle-t-il.
Réaction de l’union française de l’électricité (UFE) à la réforme des tarifs photovoltaïques. Ce 26 mars, l’UFE annonce« prendre acte des ajustements apportés par les pouvoirs publics dans le projet d’arrêté S21 solaire. Ces avancées apportent plus de visibilité aux acteurs concernés. Si la dégressivité du tarif est maintenue, nous souhaitons que les nouvelles modalités de mises en concurrence soient effectives le plus tôt possible afin d’en limiter l’impact. L’UFE continuera à porter la voix du secteur pour garantir des conditions soutenables et pérennes ».