Comment la gauche peut se refonder, en vue de 2027, et contrer l’ascension du RN ? Quelle cohabitation avec LFI ? Comment redevenir audible auprès des classes populaires ? D’épineuses questions abordées à Bram, petite circulade audoise de 3.000 habitants, lors de la 4e édition des Rencontres de la Gauche ce samedi 28 septembre. L’événement, organisé par Carole Delga, présidente PS de la Région Occitanie, a réuni les têtes d’affiche de la gauche hors LFI. Les Indiscrétions – Jules Mestre pour être précis, notre nouveau reporter – y étaient. Exercice de style pour le compte-rendu : ne pas utiliser les termes de « transition écologique » et de « justice sociale ».
« Événement populaire ». 2.200 personnes venues assister aux différentes animations de la journée, autant de portions de cassoulet bramais servies lors de la pause du midi, un village de producteurs, et un village d’associations, l’événement « est devenu populaire » pour Carole Delga qui fait état d’une « mobilisation exceptionnelle » dans le communiqué de presse de bilan de la journée.
Têtes de pont. Pour ces Rencontres de la Gauche, l’élue a fait venir des figures de la gauche : François Hollande (ex-Président, devenu député), Bernard Cazeneuve (ex-PS, ex-ministre de l’Intérieur), Valérie Rabault (ex-députée du Tarn-et-Garonne), Karim Bouamrane (maire de Saint-Ouen), Benoît Hamon (ESS France), Michaël Delafosse (maire de Montpellier), Benoît Payan (maire de Marseille), Nicolas Mayer-Rossignol (maire de Rouen), l’eurodéputé Raphaël Glucksmann.
« Notre méthode, au lendemain des élections, n’a pas été la bonne ». Bernard Cazeneuve souhaite « faire revivre cette gauche de gouvernement. La méthode du NFP a été mauvaise en demandant l’application du programme alors que nous étions à 100 sièges de la majorité absolue », avant de désigner la France Insoumise comme un « formidable obstacle » à l’avènement de la gauche dont il défend les valeurs.
« Les partis ne représentent pas l’entièreté de la solution ». Interrogée lors d’un point presse express, Carole Delga estime qu’il est important de s’ouvrir aux associations, à d’autres engagements, en dehors des partis. « Peut-être que les partis offrent une solution, mais pas toute la solution. Ce modèle est en perte de vitesse, avec le flou actuel des couleurs politiques », explique-t-elle. Pour François Hollande, en revanche, « c’est à travers un grand parti socialiste que l’alternance sera possible. Le PS doit redevenir la première force ».
« Quand l’agriculture va, tout va ». Au cours de la table ronde au sujet de la réconciliation entre villes et campagnes, Jérôme Bayle, leader de la révolte des agriculteurs en janvier 2024, déplore l’état de sa filière en France. « Quand l’agriculture va, tout va. Nous faisons vivre énormément de corps de métiers. Nous devons être davantage considérés, quand on sait que le monde rural représente 85 % du territoire français », explique-t-il.
Campagnes et cités, même combat. « Nous fermons des maternités parce qu’on nous explique qu’elles font moins de 300 naissances par an, livre Émilie Agnoux, co-fondatrice du laboratoire d’idées Le sens du service public. Derrière, c’est compliqué de garder des commerces ouverts. C’est un cercle vicieux ». Fonctionnaire territoriale, elle pense qu’il faut accentuer la décentralisation, et donner plus de pouvoir et d’autonomie aux collectivités.
Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen (93) : « Jérôme (Bayle, note), toi et moi, nous avons la même vie. Nous faisons partie de ceux à qui on a dit non, lance-t-il. Dans les campagnes ou dans les cités, nous nous battons pour les mêmes choses, le fait de pouvoir avoir de bons services publics en fait partie. Je ne supporte plus que des personnes qui vivent dans des hypercentres depuis 4 générations viennent nous dire quoi faire. Depuis Bonaparte, on nous sert toujours la même salade : un hypercentre qui concentre tout, bonnes écoles, hôpitaux, lieux de pouvoir. Le reste, on s’en fout. Ça ne peut plus durer, il faut revoir le maillage entier de notre pays. »
Faure absent. Lors de cette journée, Olivier Faure, premier secrétaire du PS dont Carole Delga n’est pas la première fan, a brillé par son absence. « J’ai été en contact avec son directeur de cabinet qui m’a demandé de lui laisser carte blanche, et en clôture de la journée. J’ai proposé une triangulaire, avec Raphaël (Glucksmann, note) et moi, et il a refusé, souffle Carole Delga. Fabien Roussel non plus n’a pas pu venir, mais lui m’a envoyé un texto pour me souhaiter de bonnes Rencontres. »
La tentation de Toulouse ? Un temps évoqué par certains confrères en juin 2023, cela pourrait être l’un des sujets politiques à suivre dans les prochains mois. Carole Delga va-t-elle partir à l’assaut de la mairie de Toulouse, où Jean-Luc Moudenc (centre droit) siège depuis 10 ans ? Aucune décision n’est prise. « Delga a un fort ancrage dans les milieux socioéconomiques de Toulouse. C’est par ailleurs sa ville de cœur, et cela peut être un tremplin national, car c’est la 4e ville de France », évalue un connaisseur de la politique régionale.
Des arguments pèsent en revanche contre une candidature ‘Delgaïste’. Jean-Luc Moudenc, (déjà) candidat déclaré à sa réélection, compte lui aussi des réseaux très puissants à Toulouse, cultivés depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, LFI réalise dans la Ville rose des scores stratosphériques (36,95 % au premier tour de la présidentielle en 2022), et Delga est une anti-LFI assumée. Le chemin semble donc semé d’embûches.
L’ancienne secrétaire d’État sous la présidence de Hollande est enfin et surtout solidement ancrée aux présidences de la Région Occitanie et de Régions de France.
Alors, ira, ira pas ? On ne va pas vous mentir : il y a peu de chance que l’annonce en exclusivité (si elle y va) soit réservée, médiatiquement parlant, aux Indiscrétions. L’ambition n’exclut pas la raison.