Le projet de loi de finances 2025, plombé par le déficit public abyssal de 2024 de l’État, n’augure rien de bon pour les collectivités. On en parle dans « À l’affiche », côté Département de l’Hérault. On revient dessus en « Zoom », avec la Région Occitanie, après le point presse de Carole Delga, présidente de la collectivité et de Régions de France, ce 14 novembre à Montpellier.
Un budget de combat. Le budget de la Région sera voté le 13 février, après les conclusions d’un PLF 2025 bien fluctuant. Le débat d’orientations budgétaires sera voté le 19 décembre. Mot d’ordre : « Les économies de fonctionnement vont s’accélérer. Les prochains budgets seront concentrés sur trois priorités : Pouvoir d’achat, emploi et santé », martèle Delga.
La prudence est de mise : l’élue régionale souhaite maintenir une capacité de désendettement à un maximum de 8 ans (6,6 ans au 31 décembre, et plus de 7 ans prévu pour fin 2025) – « L’alerte est située à 9 ans, et je veux garder une marge de manœuvre en cas de catastrophe inattendue, liée aux impacts du réchauffement climatique ou à une situation sanitaire de type Covid ». Or, en 2025, la perte de recettes liée à des baisses imposées et non compensées est évaluée à 187 M€. Soit, en un exercice, presque l’équivalent des baisses de 2023 et 2024 cumulées (210 M€). Les coups de rabot frappent partout : – 22 M€ sur la stabilité de la TICPE, – 3,4 M€ sur le fonds de soutien Apprentissage, – 52 M€ sur la révision à la baisse du produit de la TVA, – 29,9 M€ de baisse de dotations de l’Etat…
Ce, alors que la Région « connaît une forte dynamique démographique (environ 40.000 nouveaux habitants chaque année), impliquant des investissements : lycées, formations, transports routiers et ferroviaires ».
Infrastructures ferroviaires : nouvelle stratégie d’investissement. La Région entend « ne plus compenser le désengagement de l’Etat sur le financement des infrastructures ferroviaires ». Si la réouverture de petites lignes comme Montréjeau-Luchon, Alès-Bessège et Rive Droite du Rhône, une « réflexion » est lancée pour les projets de réouverture de lignes Limoux-Quillan et Rodez-Séverac. La demande est faite à Bercy « de revoir le modèle hyper inflationniste de SNCF Réseau sur les coûts des péages ferroviaires ». La Région refuse la progression des tarifs de 8 % annoncée, selon elle, en 2025.
Par ailleurs, « nous suspendons la commande de nouveaux trains avec la Nouvelle-Aquitaine. Ce sont des budgets très lourds », déclare Carole Delga.
Pistes d’économies tous azimuts. Plusieurs pistes d’économies sont avancées : fusion des agences régionales, révélée dans Les Indiscrétions du 4 novembre (croquer ici), un gel des recrutements en 2025, une chasse aux doublons avec l’État (par exemple : entre Rénov’Occitanie et ma Prim’Rénov, soit 2 M€ par an), une rationalisation des participations aux organismes extérieurs (notamment l’EID, Entente Interdépartementale pour Démoustication du littoral). De nouvelles modalités d’interventions vont être définies auprès des communes et intercommunalités. « Les priorités diffèreront selon les départements. Par exemple, dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, les ouvrages hydrauliques et le soutien à la viticulture seront prioritaires », confie Delga.
Les participations régionales dans les organismes d’État, et les participations au bénéfice de l’État, seront « rationalisées ». La situation budgétaire de l’Etat est « préoccupante, et le travail parlementaire en cours nécessaires. Des efforts sont demandés aux collectivités. Les Régions seront responsables : on ne peut pas aller sur la pente très dangereuse de l’endettement sans fin du pays. C’est une question de souveraineté. Mais nous demandons un effort juste et proportionné. Aujourd’hui, il ne l’est pas. Les efforts demandés aux collectivités s’élèvent à environ 10 Md€. Nous demandons un rééquilibrage. Il n’est pas logique de demander un effort plus lourd aux collectivités locales. Les Régions ont investi 14 Md€ en 2023, soit 26 % de plus qu’en 2019, sans compensation de leurs dépenses de fonctionnement. Je ne peux plus continuer à endetter la collectivité. »
Fin des concessions autoroutières. Alors que les concessions régionales vont toucher à leur fin, l’élue demande « de réorienter les bénéfices des sociétés concessionnaires vers les mobilités décarbonées ».
Gare de Béziers : « Dépassionner tout ça ». Alors que Robert Ménard, président de Béziers Méditerranée, réclame une gare TGV nouvelle à Villeneuve-lès-Béziers, sous peine de retirer son financement à la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan prévue jusqu’à Béziers en 2034 (Les Indiscrétions du 12 novembre), Carole Delga répond : « Ce qui est prévu dans la déclaration d’utilité publique, c’est la modernisation de la gare nouvelle de Béziers, dans laquelle la Région investit 9,9 M€. Il faut dépassionner le sujet. Des consultations et enquêtes vont être lancées pour définir les caractéristiques du prolongement de la LNMP entre Béziers et Perpignan : si le projet doit être mixte (grande vitesse et fret) ou pas, le nombre de gares nouvelles, les modalités de raccordements au réseau existant…Pendant 5 ans, Ménard a défendu une desserte de la gare centrale à Béziers par la future LGV. Du côté de Narbonne, le maire, Bertrand Malquier, est plutôt favorable à un futur raccordement de la ligne nouvelle avec la gare centrale. Il faut dire que le nœud ferroviaire de Narbonne a évolué en dix ans, au point qu’on le surnomme ‘le spaghetti’. On ne fait pas ce qu’on veut sur le ferroviaire. C’est beaucoup plus contraint que le secteur routier. »
Climat des affaires. Interrogée sur le climat des affaires dans les entreprises, Delga redoute que la baisse des dotations aux collectivités « impacte le BTP ». L’hôtellerie-restauration est aussi sous surveillance, du fait de la baisse du panier moyen des consommateurs, « mais les situations diffèrent grandement entre établissements ». La filière spatiale est « en pleine restructuration européenne, sous l’impulsion du rapport Draghi. Des décisions sont en attente, pour retrouver une ambition européenne. Cela a des impacts concrets sur l’emploi à Thales, Airbus Defence and Space ». Avec l’élection de Trump aux États-Unis, le relèvement des droits de douane outre-Atlantique « aura un gros impact sur l’agroalimentaire, l’agriculture et la viticulture d’Occitanie ». Également sous surveillance, la filière automobile est « en pleine restructuration, même si l’Occitanie est moins concernée que d’autres régions ». Point positif relevée par l’élue : « Les énergies renouvelables. Les seuils donnés pour l’éolien flottant (futurs parcs commerciaux en Méditerranée, note) sont ceux que nous demandions ».