Introduit dans une certaine indifférence par la réforme du Code du travail du premier gouvernement Macron en 2017, le télétravail à domicile s’est généralisé, par la force des choses, avec l’épidémie de Covid-19.
Malgré le discours dominant, je reste convaincu que l’excès de home office (télétravail à domicile) nuit à la valeur travail et coupe la relation salarié/entreprise. Il faut distinguer le travail à la maison du travail nomade ou en tiers-lieu. Celui ou celle qui se rend dans un centre d’affaires, un tiers-lieu ou un corpoworking (fusion de coworking et corporate) échange, a une vie sociale et marque une séparation entre sa vie privée et sa vie professionnelle.
En revanche, le télétravail à domicile présente plusieurs dangers. Le premier étant l’isolement social. Tout faire à la maison – les courses, son sport, le travail, gérer les enfants… – n’est pas un projet de société de long terme.
Je rappelle qu’en présentiel, l’employeur peut aussi capter de façon fine la compétence sur le long terme, faire appel à l’innovation du salarié, à son rôle de tuteur, de manager. Il peut aussi déceler un éventuel mal-être, qu’il ne percevra pas si le salarié est trop souvent en télétravail.
L’encouragement au télétravail à domicile est porté par certaines entreprises qui y voient surtout une opportunité financière de court terme. Moins de salariés au bureau, c’est moins de mètres carrés de loyer à payer.
Certes, les promoteurs du télétravail mettent en avant l’idée selon laquelle « le travail est fait, que l’on soit en présentiel ou chez soi ». Mais une entreprise n’est pas une somme de tâches à réaliser, mais un projet collectif.
L’organisation d’une réunion physique avec, autour de la table, tous les membres d’une même équipe relève souvent désormais du casse-tête pour le manager. Ne plus avoir tout le monde ensemble est une grande perte de valeur pour les entreprises.
Enfin, le télétravail n’est pas sans risque pour les télétravailleurs. Cette forme d’individualisme contribue à favoriser insidieusement une sous-traitance moins chère. Elle suppose que des missions pourraient se découper à la tâche. Partant de ce constat, des employeurs pourraient, en effet, avoir la tentation de recourir à une main-d’œuvre étrangère tout autant en distanciel…, mais beaucoup moins chère !
Extrait du manifeste « Valeur travail : l’affaire de tous » (juillet 2023), série d’entretiens avec Matthieu Ourliac sur le thème de la valeur travail. Rédigé par Hubert Vialatte.