Miroir aux alouettes

24 septembre 2024
Eric Torremocha
Eric Torremocha, agent général d’assurance Allianz depuis 10 ans

Si tu veux multiplier ton chiffre d’affaires par trois, j’ai LA solution. Cold calling (démarchage téléphonique), leads (prospects, mais c’est tellement mieux en anglais) ultraqualifiés en tous genres, visibilité sur le réseaux sociaux, méthodes commerciales infaillibles. Chacun y va de sa solution miracle. À l’image de la « french touch », qui a beaucoup puisé – avec succès – dans le disco et le funk des années 70, de nombreux consultants, biberonnés au franglais – dérive qui fait dire au romancier algérien Boualem Sansan, à propos du français, qu’un peuple « qui perd sa langue perd son âme » – et à la surconfiance, proposent leur service. En tapant, au final, allègrement dans le livre de recettes de grand-maman. 

Combien de réseaux ont pensé révolutionner leur approche commerciale du client avec un discours d’aspect supposé innovant ? Discours qui commençait invariablement par un starter, ou plutôt entrée en matière, et qui finissait invariablement par un closing – une fermeture, donc – , voire une demande de recommandations. Souvent une méthode en dix à quinze points, à respecter paraît-il « scrupuleusement », la maison n’assurant pas le SAV en cas de mauvaise utilisation. Cette approche, vieille comme le monde, s’appuie essentiellement sur du questionnement, de l’écoute active, de la reformulation et un engagement final par une question fermée. Rien de bien nouveau sous le soleil de Méditerranée.  

Même effet « faux neuf » côté client, version service marketing stratégique. Le client au centre de la relation, le parcours client, la valeur « client » avec en filigrane la satisfaction client, souvent mesurée par les fameux NPS ou Net Promotor Score (probabilité de recommandation). Le NPS a la vertu non pas de quantifier ceux qui sont satisfaits, mais plutôt ceux qui iraient jusqu’à faire votre promotion auprès de leur entourage.  
Pourquoi est-ce du « faux neuf » ? Parce que c’est enfoncer une porte ouverte que de parler de client, c’est le cœur du business. Des compagnies comme Amazon, aussi discutables soient-elles en termes de rapport avec leurs fournisseurs ou leurs salariés, voire d’optimisation fiscale, ont fait du client leur obsession. C’est certainement un des marqueurs forts de leur succès. 

La seule nouveauté « disruptive », pour rester dans la novlangue, c’est l’impact du digital sur les modèles d’affaires. Même votre caviste du coin est digital. Il a compris depuis longtemps qu’il devait faire vivre sa vitrine au-delà du côté physique. Sur Meta, Instagram, LinkedIn, voire même TikTok. De là à voir votre notaire improviser sur les réseaux sociaux une chorégraphie sur Earth Wind and Fire, il n’y a qu’un pas. Ou pas : c’est une profession réglementée qui ne peut pas communiquer comme elle le souhaite. L’honneur est sauf.

Je n’ai pas triplé mon chiffre d’affaires cette année, j’ai raté ma vie. Eh m**** , ma grand-mère avait raison, j’aurais dû l’écouter.  

Eric Torremocha revient pour une nouvelle tribune partenaire la semaine du 21 octobre.

Vous souhaitez également faire paraître une tribune dans Les Indiscrétions ? Contactez-nous à hvialatte@gmail.com et amelie@agencehv.com.