Vous avez envie de perdre mon attention d’entrée de jeu dans la discussion, et de me donner envie de quitter la pièce ? Un remède imparable, mieux que l’haleine fétide ou les mains poisseuses, consiste à dire : « Mes enfants ont tous bien réussi, ils sont… » Avocats, médecins, ingénieurs, pharmaciens, bref, extraordinaires. En résumé : mes enfants ne sont pas n’importe qui, ils ont fait de grandes écoles (privées de préférence), ils travaillent à l’étranger, de préférence aux États-Unis. Ils ont quitté la France, devenue trop petite pour leurs qualités.
Vous voyez le topo. Vous avez déjà eu face à vous des gens qui se classent socialement à travers la réussite, ou supposée telle, de leur progéniture. Levons tout malentendu : moi, que les enfants des autres gagnent plein de sous, je m’en fous, je suis content. C’est la façon d’exposer les choses qui me dérange. Ce manque total d’humilité. Cette ségrégation par le niveau de revenu. Cette affirmation surannée de pouvoir. Cette bien faiblarde intelligence, aussi : au final, ça veut dire quoi, réussir ? Quel est l’impact de notre activité professionnelle sur le monde, sur l’environnement, sur ceux qui souffrent ? Quelle trace laissera-t-on, une fois parti ? Quelle richesse économique et humaine crée-t-on vraiment ? Dès que l’on sort du seul (et nécessaire, on est bien d’accord) prisme de l’argent, les possibles s’ouvrent. Et nous rappellent que les failles, mieux que la perfection, façonnent la vraie réussite.
On s’en fout
4 novembre 2024