Peut-on tisser des amitiés réelles dans son milieu professionnel ? Depuis 23 ans, je réponds par la négative. Il y a trop d’intérêts masqués. Les compliments cachent trop des flatteries complaisantes. Tant que je suis en exercice, le doute est légitime. Il agit même comme une protection, une carapace de lucidité, une mise à distance salutaire. Le métier veut ça. « Attention, le journaliste est à côté de nous, parlez de lui en bien. Il faut toujours dire du bien des journalistes en leur présence. On peut avoir besoin d’eux plus tard », ai-je ainsi entendu de façon dérobée, récemment, dans un cocktail. Le fait de capter cette phrase, pleine de jugeote, m’a fait sourire.
La solitude est donc de mise, sur ce plan – cela n’empêche pas d’avoir des amis de longue date, en dehors du circuit. Mais en même temps, des signes ne trompent pas. Quand ma carrière a connu un virage, il y a 5 ans, certains décideurs m’ont suivi. Pas uniquement par des mots, mais en me confiant des prestations réelles, d’animations ou de rédactions de contenus. Je n’avais pourtant plus le statut de rédacteur en chef, et la ligne directrice d’Agencehv n’était alors pas aussi claire qu’aujourd’hui. Puis, certains sont devenus les premiers partenaires des Indiscrétions, il y a plus de trois ans. Probablement parce qu’ils croyaient en moi, et appréciaient le travail réalisé. Avec le temps qui passe, on s’ouvre davantage aux langages non verbaux, à des détails. On commence à baisser un peu la garde. Pas totalement. On se surprend à penser que l’amitié professionnelle pourrait bien exister parfois.
Mais rassurez-vous : la déontologie journalistique reste bien gravée à l’intérieur de la peau. On ne se refait pas. D’ailleurs, à bien y réfléchir, le même doute doit exister chez mes interlocuteurs. « Il doit être sympa à l’apéro, lui, mais il est journaliste, je dois garder mes distances. » Un jeu de dupes, dont on est loin de se foutre.
On s’en fout
21 octobre 2024