Peut-être pas vous, mais moi, si. Je regretterai toujours la vision poétique, sans stats, du journaliste Didier Roustan, parti trop tôt, à 66 ans, d’un cancer tout bête. Pour le grand Éric Cantona, il était « le plus grand journaliste sportif », tout simplement. Il défendait un foot romantique, certainement suranné, un peu années 80. Le beau jeu, la non obsession du résultat et du fric, l’esprit club, l’attachement à un maillot, les histoires plus longues que 140 caractères, le mépris des mercenaires, des gains immédiats et des droits télé exorbitants qui déforment le jouet.
Ancien joueur, Didier Roustan n’aimait pas Didier Deschamps, entraîneur fonctionnarisé de l’équipe de France (depuis 2012), apôtre du seul tableau d’affichage, quelle que soit la manière. Il adorait l’Argentine de Diego Maradona, ses excès, ses stades en fusion. Il y est allé près d’une vingtaine de fois, de mémoire. Dans ‘Puzzle’, un ouvrage truculent, Roustan raconte ses aventures sur la chaîne L’Équipe, ses combats pour défendre ses gars, ses montages vidéo nocturnes, son engagement sans faille contre le racisme et pour la formation des éducateurs.
Il fait partie de ceux qui m’ont sensibilisé à la complexité du foot, à son rôle dans la société, à ses débordements hors du rectangle vert. C’est un peu grâce à lui si je demande à chaque ami en vacances à l’étranger de m’envoyer des photos d’enfants jouant au football, de préférence dans la rue. Car, définitivement, il n’y a rien de plus beau sur terre que des enfants jouant au football. Sans stats.
On s’en fout
16 septembre 2024