Au fait, pourquoi fait-on du journalisme ? Des âmes charitables me disent parfois : « Passe à la communication institutionnelle ou corporate. Tu gagneras plus d’argent, en travaillant moins. » Travailler moins, cela reste à voir : chaque métier a ses contraintes, et je ne me permettrais pas de juger des secteurs que je ne connais pas. Gagner plus, c’est probable. Il y a une chose que ces conseillers RH improvisés, chantres de la « qualité de vie », ne comprennent pas. C’est le goût que nous prenons à surprendre le regard que les interlocuteurs posent sur nous. Je ne parle pas là du regard au sens imagé et intellectuel du terme. Je parle du regard physique, ce regard qui exprime une émotion. Il oscille, chez l’interlocuteur croisé au hasard, entre respect, crainte, mépris, agacement et point d’interrogation. Je n’y vois jamais d’indifférence. Ce jeu social, chaque jour recommencé, ne permet peut-être pas d’avoir une piscine, mais il vaut tout l’or du monde.
J’échangeais il y a peu avec une collègue de l’AFP, reporter de guerre. « Oui, j’ai failli mourir, en Afghanistan, et surtout en Lybie, où je me suis retrouvée au plus près des combats entre pro et anti-Kadhafi, à Syrte, en 2011 », confie-t-elle.
En pointe sur les questions militaires françaises, sollicitée par des instituts internationaux, elle s’est rendue récemment à Kiev. Une zone de guerre certes, mais presque un voyage d’agrément, comparé à ses missions passées.
Tout en trouvant le temps de balancer un sacré scoop, mi-juin, sur la baisse de la présence militaire en Afrique, dans une dépêche ici reprise par Le Monde. Une petite bombe, bétonnée par plusieurs sources. Aucun démenti de l’Élysée. L’article lui a valu, quelques jours après, un regard « glacial, mais marqué d’une forme de respect » de la part d’un chef d’état-major de l’Armée, lors d’une réception aux Invalides. Ce qu’elle conclut par un tonitruant et très sérieux : « J’aime bien foutre la merde. »