J’aurais préférer rester peinard à vaquer à mes occupations de début de week-end, double café sans sucre et supplément de L’Équipe à la main. Mais que voulez-vous, la gloire journalistique n’attend pas. L’AFP (Agence France-Presse) me demande de couvrir, ce samedi matin, le déplacement de Jordan Bardella, président du Rassemblement national, au Grau-du-Roi. Et on ne dit pas non à l’AFP, vieux partenaire de reportages depuis 15 ans. Déplacement politique, et de loisirs aussi. Car si le candidat RN aux européennes du 9 juin s’est déplacé sur la commune littorale gardoise, la veille de son meeting à Marseille, c’est tout simplement parce que des dizaines de milliers de personnes s’étaient amassés le long de la plage, pour assister au traditionnel abrivado (conduite des taureaux sous la surveillance des gardians) de fin d’hiver.
Attendu dès 10h au Bamboo Beach – plein comme un avant-match de demi-finale de coupe du monde de foot, avec DJ et décibel pour être bien sûr d’être réveillé -, le poulain de Marine Le Pen, 28 ans, m’a fait découvrir que les selfies étaient (déjà) ringards. La communication politique, aujourd’hui, s’articule autour de ‘shorts’ : de courtes vidéos prises par les smartphones des sympathisants, demandant à leur champion de citer, dans la vidéo, les prénoms de proches absents de l’événement. « Bonjour, ici c’est Jordan Bardella, bisous à … et… depuis la plage du Grau-du-Roi » Et ainsi de suite, des dizaines et des dizaines de fois. Il faut avoir la foi.
Déambulant dans le sable avec les quatre députés gardois RN et Julien Sanchez, maire de Beaucaire et principal opposant à Carole Delga dans l’enceinte du conseil régional d’Occitanie, Bardella a donc multiplié les ‘shorts’. Pendant ce temps, France Inter, BFM, Le Point & co questionnaient les jeunes du Gard sur les raisons de leur vote massif RN. Puis, le politique se tourne vers les médias. C’est toujours le même folklore dans ces cas-là : on ne sait jamais quand le politique va parler, ni où. Et quand il se lance, il faut vite jouer des coudes avec les confrères pour se frayer une place dans le demi-cercle enserrant l’orateur, et parvenir à prendre le son. Car si on est tous là, c’est pour capter une déclaration nouvelle, qui pourrait faire mouche. Sans surprise, le boss du RN s’est érigé en défenseur des traditions : « Je soutiens nos traditions, et je suis très fier de voir vivre nos traditions en Camargue » ; « Un des plus grands périls de notre pays : c’est l’effacement de la France et le premier effaceur en chef, c’est le chef de l’Etat » ; « Quand on ne sait pas d’où on vient, on ne sait pas où on va » ; Macron « fait en réalité le jeu du Kremlin » avec ses propos sur l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, etc.
À quelques mètres de là, l’abrivado n’a pas été loin de tourner au drame, avec 11 personnes blessées par le passage des chevaux et taureaux, dont une sérieusement. Bref, le plus intéressant, dans l’histoire, c’est que j’ai découvert qu’on était entré dans l’ère des ‘shorts’.
On s’en fout
4 mars 2024