Certaines ‘Une’ des journaux de l’été sont parfois désarçonnantes et déconnectées. Comme celle de « Le Point » à propos d’une prétendue lancinante nostalgie de l’ère Jean-Jacques Goldman (le chanteur phare français des années 80, à qui je préfère Renaud) : « Les années Goldman. Quand la France s’aimait », titre ainsi le magazine, au creux de l’été, début août. Un sacré marketing pour continuer à vendre. Avec tous les éléments de langage assortis : « C’est l’histoire d’un temps où la gauche croyait encore au progrès, à l’émancipation et à l’universalité de ses valeurs. Une décennie où le socialisme, entré à l’Élysée un bouquet de roses à la main, revendiquait la fraternité dans la différence, où l’on répétait à l’infini le slogan Touche pas à mon pote de SOS Racisme, décliné sur un badge en forme de main jaune. C’étaient les années Goldman, du nom de cet aimable rockeur aux airs de M. Tout-le-Monde, employé dans un magasin Sports 2000, qui chanta les élans de tolérance d’une France d’autant plus généreuse que l’angoisse de l’avenir l’étreignait déjà. » L’Obs en remet une couche presque stressante ce 17 août.
En clair, c’était mieux avant, et Goldman incarne cet état de fait. Voilà qui a dû ravir une frange nourrie du lectorat de l’hebdomadaire, dont l’âge avance. Une nuance de taille doit cependant être apportée. Si tant est que « c’était vraiment mieux avant » (vaste débat), la situation actuelle du pays découle en grande partie des actions et inactions qui ont marqué, tous bords politiques confondus, cette époque où « la France s’aimait ». Il n’y a pas, en silo, une époque d’avant, et une époque d’après, sans interconnexion ni phénomènes de causalité et de conséquences. Bien au contraire, tout est lié. C’est en tout cas ce qu’il me reste de mes passionnants cours d’histoire. La France de 2023, avec ses travers, ses atouts et ses avancées, est donc le produit de ces merveilleuses années Goldman. Dit comme ça, c’est certes moins vendeur, mais on est plus proche de la vérité.