Souplesse dans les missions, actionnariat salarié, intra-entrepreneuriat, mécénat de compétences… Le spécialiste héraultais de l’ingénierie écologique multiplie les initiatives pour attirer et fidéliser les compétences.
Comment attirer les talents sur un marché en tension, celui de l’ingénierie écologique, sans toujours pouvoir rivaliser avec les grands groupes au niveau des salaires ? Pour réussir ce tour de force, l’ETI Biotope (450 salariés), cofondée en 1993 par son président Frédéric Melki, rivalise d’astuces. Une centaine de salariés sont actionnaires, à hauteur de 18 % du capital. Ce pourcentage doit passer « à 25 % d’ici à trois ans, indique Anne-Lise Melki, directrice générale. Ce statut de salarié actionnaire favorise l’attachement à l’entreprise ». Autre atout : le grand nombre d’implantations (15 agences en France métropolitaine, 4 en Outre-Mer) offre autant de possibilités de mobilité interne.
Par ailleurs, via son « Parcours des Ambitieux », qui regroupe une quarantaine de salariés volontaires chaque année, Biotope « repère des gens prêts à relever de nouveaux challenges », pour devenir dirigeant de filiale, voire lancer leur propre entreprise. C’est le cas de Florence Baptist, qui a cocréé Soltis Environnement (restauration des sols) avec Biotope, après avoir été ingénieure R&D pendant 12 ans. La PME grenobloise, dont l’activité est complémentaire aux activités de Biotope, emploie au bout de trois ans une dizaine de personnes. « Florence Baptist fait partie de notre comité stratégique, et peut s’appuyer sur nos équipes quand elle hésite sur une décision », souligne Anne-Lise Melki.
Dans la chasse aux talents, la rémunération n’est pas le seul enjeu. « La mobilité est encouragée dans le discours général, et ce, dans tous les compartiments de la vie, observe Anne-Lise Melki. On déménage plus, on divorce plus, on côtoie plusieurs secteurs d’activité. Celui qui ne change pas d’entreprise est perçu comme has been. Dans ce contexte sociétal, la bonne attitude pour le dirigeant, c’est d’écouter au maximum les attentes des compétences que l’on a identifiées. Tout cela prend énormément de temps. Mais nous ne pouvons pas répondre à un salarié : ‘Je n’ai pas le temps de m’occuper de ta demande.’ »
La semaine de 4 jours ? Même pas en rêve. En revanche, la semaine de 4 jours n’est « même pas demandée par les salariés. Tout le monde est conscient de la tension sur notre marché du travail. Aussi, ceux qui veulent passer à 4 jours se mettent à 80 % ». Le carnet de commandes de l’ETI est en effet « très élevé, avec par exemple des lignes ferroviaires ou des parcs éoliens offshore, en France comme à l’international », pour un chiffre d’affaires 2023 France de 39,6 M€ (31,3 M€ en 2022), et de 4,5 M€ à l’international. « Le secteur bancaire a élevé les standards de prise en compte de la biodiversité, d’où notre activité florissante », conclut Anne-Lise Melki, alors que Biotope s’est allié avec deux homologues anglais et allemand en 2022 (Les Échos, septembre 2022, croquer ici). Une alliance qui ouvre la perspective de missions de sous-traitance croisées, dans une forme « d’Erasmus de l’écologie », projet cher à Frédéric Melki.
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Temps partiel annualisé. Autre outil RH activé, le temps partiel annualisé. Une option adaptée car la saisonnalité est très marquée dans le métier de naturaliste, du fait de l’hibernation des espèces à observer… et d’un côté volontiers baroudeur au sein des équipes. « Le temps partiel annualisé, par exemple en travaillant 10 mois et en prenant 2 mois de congés, est de plus en plus demandé. Il permet aux salariés de partir pour un grand voyage, tout en restant dans l’entreprise », explique Céline Ménard, directrice régionale de Biotope dans le Grand Sud. La mise en place d’un contrat épargne-temps est également en cours de discussion avec le CSE. « Ces outils sont indispensable, car ils répondent à une attente forte, analyse Anne-Lise Melki. Il y a des moments où les salariés veulent faire leurs preuves, en travaillant davantage, et d’autres périodes où ils ont envie de partir découvrir un continent. »
Diverses primes sont aussi attribuées : prime « de modulation » quand un salarié va travailler en extérieur le samedi, parce que la météo est plus clémente, prime de conditions extrêmes pour les naturalistes partant plusieurs semaines en Guyane dans la forêt amazonienne, primes d’éloignement pour les missions en Guinée, au Gabon, au Maroc, à Madagascar…
Mécénat de compétences. En 2023, un nouveau dispositif de mécénat de compétences a en outre été mis en place. Il permet à des salariés de continuer à être payé par Biotope, tout en menant, dans une limite de 5 jours par an, des missions qui leur tiennent à cœur : animation de conférences, inventaires naturalistes pour la commune où ils résident, rédaction de publications scientifiques… Seules conditions posées, les projets doivent porter l’amélioration de la connaissance de la biodiversité, et être validés par le conseil d’administration de la Fondation Biotope. Cette Fondation organise également le concours du meilleur naturaliste de France, en soutenant un festival de photos prises en milieu naturel. Les clichés sélectionnés ont été exposées le week-end dernier à Sallèles-d’Aude. Ces événements « ne sont pas liés au business, mais font rayonner le savoir-faire de nos photographes. Et c’est pour eux une sorte de reconnaissance », explique la dirigeante.