Le réseau Medef Hérault Montpellier organisait le 19 mars la 10e Nuit des Entrepreneurs, au Pasino La Grande Motte. Au programme : l’intervention du grand témoin Alain Guyard, « philosophe forain et anarchiste », sur le thème “L’entreprise survivra-t-elle à la 6e extinction des espèces ?” Extraits piochés par Les Indiscrétions, présentes dans l’assemblée.
Élections européennes et Ceta. « Nous avons besoin d’un monde nouveau, pour faire grandir nos activités et nos entreprises », introduit Jean-Marc Oluski, président du Medef Montpellier. Parmi les messages passés : l’importance des votes lors des européennes de juin. « Les entreprises doivent donner de leurs voix : l’abolition des frontières permettent le commerce international », rappelle-t-il. Il a également abordé son inquiétude pour le vote du Sénat, prévu deux jours après la Nuit des Entrepreneurs, concernant le Ceta, traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. « L’AOP Picpoul de Pinet, vin du Languedoc, c’est 12 M€ de bouteilles vendues et 8 M€ exportées. Les Canadiens sont les importateurs les plus importants. J’espère que le Sénat ne résiliera pas cet accord… » Le Sénat a confirmé son opposition à la ratification du Ceta, le 21 mars (à lire ici).
Remise des diplômes. Le Medef Hérault Montpellier a récompensé l’engagement syndical de plusieurs adhérents. Parmi eux, Stéphanie Andrieu, fondatrice d’Urbasolar et élue à la CCI Hérault, Christophe Daubie, ancien directeur du site montpelliérain de Sanofi et élu à l’Académie des Sciences, Célia Belline, fondatrice de CilCare et ambassadrice MedVallée, et Etienne Léa, président du CFAI Occitanie Est (UIMM). « L’entrepreneuriat, c’est se jeter du haut d’une falaise et construire un avion durant la descente. C’est comme ça que je l’ai vécu », image Stéphanie Andrieu au moment de récupérer son diplôme.
Une vision iconoclaste. « Alain Guyard a été surpris que le Medef l’invite. C’est parce que nous voulons que la Nuit des Entrepreneurs bouscule nos certitudes, à travers une vision iconoclaste », introduit Jean-Marc Oluski. Objectif : sortir le Medef de son cadre. C’est chose réussie avec l’intervention du grand témoin de la soirée, Alain Guyard qui se définit comme « philosophe forain et anarchiste ». Ancien économiste et professeur de philosophie à l’université et en lycée (nous en parlions dans Les Indiscrétions du 18 décembre juste ici), Alain Guyard a indiqué que, selon lui, le modèle de croissance est la cause de la 6e extinction des espèces, qui surviendrait aux alentours de 2030. Parmi les premiers symptômes de cette extinction : les crises récentes (agricoles, géopolitiques, sanitaires). « Le terme “croissance” est encouragé pour la première fois par un livre non signé, et fort heureusement car il n’est pas terrible : la Bible. Croissez et multipliez. Vous seriez donc, vous entrepreneurs, les prêtres et prêtresses mésopotamiens de la croissance, les nouveaux théologiens ! Et ce n’est pas flatteur. Il n’y a de croissance qu’à la condition de travailler, mais il faut arrêter avec le travail ! », s’enflamme-t-il. Sa solution : réfléchir à occuper son temps autrement, plus connu sous le terme de l’oisiveté, défendue par Bertrand Russell (prix Nobel de littérature 1950). « Qui n’est ni l’inactivité ni le désœuvrement, mais utiliser son temps sans logique de production. Un nouveau paradigme qui remplace celui du travail, et développe la tolérance… et renforce ainsi la démocratie ! »
Le plaisir de travailler. À ces mots, Jean-Marc Oluski a vite rappelé le plaisir et la passion qui portent les entrepreneurs de la salle. Réponse d’Alain Guyard : « Prenez toutefois au sérieux ce qui va nous tomber sur la figure. Nous sommes sur les avant-signes d’un effondrement. Ce modèle basé sur la croissance et le travail est certes plaisant pour l’instant, mais il va disparaître. Anticipez pour trouver du plaisir ailleurs, soyez pragmatique et audacieux, si nous voulons fêter la 16e Nuit des Entrepreneurs », conclut-il. Une philosophie qui a fait méditer lors du cocktail qui a suivi, sans pour autant faire écho auprès de tous. « Ce n’était ni le lieu, ni le moment d’une telle prise de parole », « J’ai trouvé ça complètement inapproprié », ont signalé quelques adhérents autour d’un verre où l’on parlait… de travail.