« On est très loin du compte, par rapport à ce qui est nécessaire pour satisfaire les besoins en logements de la population et du tourisme, lance, le 17 décembre lors des vœux de la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers) Occitanie Méditerranée, l’économiste Robin Rivaton, devant un parterre d’environ 300 promoteurs et professionnels de l’acte de bâtir. Il y a un vrai problème de malthusianisme. La cheffe économiste de Bercy pense qu’il suffit de 160.000 nouveaux logements par an. Elle a tort. La réalité, c’est plutôt 400.000 nouveaux logements par an. Il faut prendre en compte l’évolution des modes de vie : croissance du nombre de ménages, davantage de célibataires et décohabitations, apparition des divorces après 60 ans… Sur le seul département de l’Hérault, on compte 15.000 ménages en plus par an ! La pression s’accentue sur le besoin en logements. En sachant que l’offre de logements joue aussi sur l’attractivité touristique : la France compte 100 millions de nuitées touristiques hors hôtellerie. L’analyse statistique nationale, qui se concentre sur la baisse de natalité, est faussée. » À ce jour, 56,4 % de ménages sont propriétaires de leur résidence principale. « C’est le même chiffre qu’il y a 20 ans, malgré des taux d’intérêt historiquement faibles connus ces dernières années. » Le problème du logement va finir par peser sur le débat public. Il pèse sur les mobilités professionnelles, sur des jeunes étudiants devant rester chez leurs parents, voire renoncer à leurs études ou à des formations… À force, cette bombe sociale trouvera un débouché politique. Les besoins augmentent, l’offre pique du nez, des logements mal classés énergétiquement sortent du stock : cela ne tiendra pas. » Autre phénomène relevée par Robin Rivaton, auteur du livre « Le logement, bombe sociale à venir » (Real Estech, février 2022) : « Les populations se concentrent massivement sur les territoires métropolitains. »
Le danger des ‘micro-démocraties’. L’expert pointe l’émergence de ‘micro-démocraties’, à même de pouvoir infléchir des décisions d’aménagement : « Les réseaux sociaux, la judiciarisation, les associations, se sont renforcés au fil des ans, et ont la capacité de s’opposer à des décisions pourtant frappées d’intérêt général : programmes immobiliers, aéroports, barrages, Center Parks… Et les recours abusifs prévus par la loi Elan (2018) ne sont jamais retenus. »
Des collectivités trop ‘exécutantes’ depuis Dexia. Selon lui, l’État pense, depuis les emprunts toxiques de Dexia, « que les collectivités sont mal gérées. Une partie de plus en plus importante de leurs ressources sont attribuées par l’État, via des dotations de fonctionnement. Les maires sont mis en position d’exécutants (sic). Leur état d’esprit change forcément. Ce n’est pas pareil que de se dire : ‘Si je mène tel projet, j’aurai plus de recettes pour ma commune’. La baisse des ressources propres des collectivités impacte négativement leurs capacités à se projeter. Et cela va peser durablement dans le futur ».
Le faux postulat du Zan. S’il ne remet pas en cause le besoin de se pencher sur l’environnement, Robin Rivaton alerte sur des dérives. « Des centaines de milliers de logements mal classés en termes de DPE (diagnostic de performance énergétique) vont être interdits à la location. C’est un sujet brûlant. » Concernant le Zan (Zéro artificialisation nette), « la mesure a été construite sur un faux postulat, selon lequel l’équivalent d’un département, en France, serait artificialisé tous les 7 ans. C’est faux : c’est l’équivalent d’un département tous les 23 ans. Par ailleurs, la borne intermédiaire de 2030 a amené une complexité de calcul pour les élus de villes moyennes et petites. Comme ils n’étaient pas certains d’arriver à – 50 % d’artificialisation, ils sont allés vers – 80 %. L’objectif de 2050 est surappliqué dans les documents d’urbanisme. Alors que l’État, de son côté, s’est auto-exonéré de cette obligation : industries stratégiques, logements sociaux, JO Paris 2024, Canal Seine-Nord Europe… »
Transformation des bureaux : pas si simple. Séduisante sur le papier, la transformation de bureaux vacants en logements n’est pas si simple. « Un bureau rapporte à un élu, alors qu’un logement lui coûte, en termes de quotas sociaux et de services publics à amener. L’élu ne va donc pas transformer quelque chose qui lui rapporte 1 euro / m2 en quelque chose qui lui coûte 2 euros / m2. On en revient au même constat : il faut redonner aux élus locaux la capacité à créer de la ressource fiscale. »
Virage de l’IA. Il invite les promoteurs à se pencher en urgence sur les potentiels de l’IA générative. « Vous faites un peu de tout : finance, juridique, technique, marketing… L’IA permet de récupérer de la marge, de la réinternaliser, d’aller le plus loin possible avec une casquette de généraliste. Des outils d’IA peuvent aider au quotidien, pour la réalisation d’un site web ou d’un logo. »
Taux d’intérêt. Malgré les arrêts ou limitations des dispositifs Pinel et PTZ, et les restrictions du HCSF (endettement maximum à 35 %, « qui a tué le marché des multi-investisseurs »), Robin Rivaton voit poindre une bonne nouvelle : la BCE « doit baisser ses taux, à 2 % d’ici juin. La baisse devrait être agressive. Cela amènera de l’oxygène au secteur. L’immobilier est un secteur très endettable ».