Face aux difficultés croissantes d’accès à l’habitat (dans le parc social comme privé, dans le locatif comme pour l’accession), au mal-logement et à la conjoncture dégradée dans l’acte de bâtir, le sujet devient éminemment politique. Ce 29 février, État et Région Occitanie sont tour à tour, à Montpellier et Toulouse, montés au créneau pour afficher leur soutien à la filière.
Le préfet de l’Hérault veut accélérer les opérations d’envergure. « Je suis inquiet sur ce qui se produit en matière de logements dans l’Hérault, a déclaré François-Xavier Lauch, préfet de l’Hérault. Il y a une décélération très franche de la mise en construction de logements. Cette situation est liée à des déterminants économiques, comme la hausse des taux d’intérêt, à des prix des terrains et de l’immobilier qui demeurent très hauts – la rectification qui aurait pu avoir lieu avec la crise économique ne s’est pas faite – et à des déterminants locaux. L’Hérault est un département à risques, avec des espaces déjà utilisés, et attire chaque année environ 15.000 nouveaux habitants. » Dans ce contexte, le représentant de l’État entend accélérer la réalisation de « 20 à 30 opérations de 100 à 300 logements chacune », en insistant notamment auprès des banques pour qu’elles jouent leur rôle de financement des programmes. « C’est à la fois un enjeu de logement des citoyens, notamment des classes moyennes – ce département a un avenir brillant en termes de développement économique, mais je ne veux pas que le logement soit un frein -, et un enjeu de survie économique pour les entreprises du bâtiment », a souligné François-Xavier Lauch. Pour mieux « encadrer et limiter dans le temps » les recours contentieux, il se dit prêt « à organiser une réunion avec le président du tribunal administratif ». Il insiste également sur « la densification des zones pavillonnaires », et la nécessité de repenser l’utilisation des dizaines de milliers de logements construits en bord de mer (La Grande-Motte et le Cap-d’Agde notamment, note) dans les années 60 et 70, « et occupés seulement trois mois par an ».
Risque de pertes de compétences. Le rythme de défaillance d’entreprises n’a pas encore atteint le niveau d’avant-Covid, mais progresse de 62 % en 2023, observe Gilbert Comos, président de la FFB 34. « Et les carnets de commandes des entreprises se vident. Les chantiers en cours ont été déclenchés sur la très bonne dynamique qui s’était produite entre la fin du Covid et le début de la guerre en Ukraine. » Selon lui, « 3.000 emplois sont menacés dans l’Hérault, dont beaucoup de jeunes. Il y a un risque de perte de compétences. On l’avait connu en 1992. La filière avait mis beaucoup de temps à se remettre en marche, car le passage de savoirs entre générations avait été rompu. »
Opérations de rénovation. De belles opérations sont néanmoins en cours, « comme la réhabilitation de la CPAM de Montpellier, qui va s’étaler sur cinq ans ». Le préfet encense pour sa part l’effet levier du Fonds Vert, pour inciter les collectivités à rénover leurs bâtiments publics. « Le Fonds Vert apporte un taux d’intervention de 25 à 30 %. Et ces chantiers apportent des économies de fonctionnement significatives, de l’ordre de 30 % à 40 % en moins sur les factures d’énergie. Les investissements sont ainsi amortis en moins de 10 ans. Ce démonstrateur doit être fait auprès des particuliers. »
« Les banques ne prêtent pas aux promoteurs s’ils ne margent pas entre 5 et 7 % », décrypte Céline Torres, présidente du Pôle Habitat FFB Occitanie. Elle se félicite d’outils mis en place par Altémed, notamment la clause de retour à meilleure fortune. « Cela permet une baisse de prix du foncier, et si les prix remontent, un complément sur le prix d’achat est reversé. Ce montage débloque la situation sur des lots déjà attribués », explique-t-elle. Autre élément positif, sur le front du marché immobilier : « Les gens commencent à accepter que l’argent a un coût. Et beaucoup sont déterminés à acheter un bien immobilier. »
Plan Habitat Durable. De son côté, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, présente le même jour dans un CFA de Toulouse le Plan Habitat Durable, doté de 150 M€ (lire les détails en cliquant ici). Signé pour 5 ans (2023-2028) avec Frédéric Carré, président de la FFB Occitanie et Olivier Coulom, président de la Capeb Occitanie, le plan s’articule autour de trois points : participation au développement de la filière via la commande publique et les aides à la rénovation énergétique, notamment en faveur de la rénovation ; Intégration des nouvelles technologies (matériaux, techniques, gestion de ressources…) ; Travail sur l’attractivité des métiers du bâtiment, en particulier pour les jeunes, et développement de la formation aux métiers de demain.
« Ne jamais renoncer au geste architectural ». L’élue entend promouvoir « l’esthétique de l’acte constructif. Le beau doit irriguer nos moments de vie. On a beaucoup de frilosité sur la question du geste architectural. Un oncle architecte m’a sensibilisé sur ce point. Il faut de l’audace, à la fois dans l’architecture et dans les techniques constructives. La Région doit accompagner les professionnels, qui ne peuvent pas être les seuls à prendre le risque ».
Réagissant à la ponction d’1 Md€ de MaPrimeRénov’ : « C’est un coup dur, qui n’incite pas les citoyens à rénover. Et c’est étonnant et préoccupant qu’un secteur porte à lui seul 10 % des efforts d’économie de l’État. »
35 actions sur 5 ans. Frédéric Carré se félicite de la densité du plan régional, avec « 35 actions sur cinq ans. On s’inscrit dans la durée, ce qui prouve l’intérêt que porte la Région Occitanie à notre secteur d’emplois. Nous espérons que ce plan jouera un rôle d’amortisseur pour notre profession, percutée par plusieurs crises successives : Covid, augmentation du prix des matières premières et, aujourd’hui, crise du volume, avec un trou d’activité redouté en 2025. Le marché de la rénovation stagne, alors que les besoins sont énormes. Ce n’est pas normal ». Parmi les actions : l’écologie (nouveaux matériaux, recyclage, usage de l’eau), le numérique (lasers, drones…, « autant de vecteurs d’attractivité pour les jeunes »), adaptation des compétences.
Où loger les gens ? La réindustrialisation, certes, mais où loger les gens ?, ont ajouté les professionnels aux côtés de Carole Delga. « Il faut assouplir les règles d’accès au crédit immobilier (ce qui est en cours, note), baisser les APL pour les bailleurs sociaux, et revenir sur le rabotage du PTZ. » La Cellule économique régionale de la construction Occitanie lance une étude sur les besoins quantitatifs en logements, « pour dire la réalité des choses ».
Occitanie Est : un manifeste de l’ABCD. L’ABCD (Académie du Bâtiment et de la Cité de Demain), active en Occitanie Est et présidée par Patrick Ceccotti (CCI 34), va publier un manifeste d’une quinzaine de pages, pour présenter ses solutions de relance de l’acte de bâtir et éviter la crise de l’emploi (entre 5.000 et 7.000 destructions d’emplois prévus pour 2024 en Occitanie). Par exemple, « une pause normative et des aides aux financements des acquéreurs », glisse Patrick Ceccotti. Une réunion avec les parlementaires héraultais est programmée courant mars à la CCI. L’objectif est de rendre public ce manifeste « avant le salon de l’immobilier régional, mi-mars ».
À venir. Ce 11 mars, forum de Midi Libre à partir de 18h30 au siège du journal (Saint-Jean-de-Védas, 34) ; Salon de l’Immobilier Montpellier-Méditerranée, du 15 au 17 mars ; Par ailleurs, les 2e Assises du Logement organisées par la préfecture de région Occitanie, prévues sur la première semaine de juillet dans la région de Toulouse, après la première édition, le 8 décembre dernier à Labège (31).