Plus on est loin de ce lieu de travail, plus on prend sa voiture pour s’y rendre, faute d’autres solutions modales. C’est l’un des messages-clés d’André Broto, ingénieur polytechnicien, expert des mobilités, dans son ouvrage « 40 idées reçues sur les transports… Et pourquoi elles nous empêchent d’avancer » (éd.Eyrolles, janvier 2024), dans l’idée reçue n°2 « Le rail est le mode de transport le plus équitable ».
Il décortique les chiffres en Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et Aura, dont les 20 millions d’actifs comptent 2,6 millions effectuant des « navettes longues quotidiennes » (NLQ). « Le pourcentage d’actifs qui effectuent des NLQ augmente régulièrement à mesure que l’on s’éloigne des grandes villes : 8 à 15 % dans les grandes agglomérations, 30 % pour les villes de 10 à 20.000 habitants, 45 % pour les actifs résidant dans l’une des 10.800 communes de moins de 2.000 habitants situées en dehors de l’aire des métropoles, soit 5,7 millions de personnes. »
Oubliés de la République. Dans ces trois régions passées au crible, la part modale du transport en commun pour les NLQ « est très faible. Seuls 160.000 navetteurs longs y ont recours pour leurs trajets domicile-travail, soit 6 % (…). Cette part modale descend à 2,8 % en moyenne pour les 1.050.000 actifs effectuant des navettes longues et qui résident dans les communes de moins de 2.000 habitants ». En clair, ces habitants « n’ont que la voiture pour effectuer leurs navettes longues, et ce qui est vrai du motif travail l’est a fortiori des autres motifs (école, santé, loisirs…). Les périphéries lointaines des grandes villes concentrent la majorité des navetteurs très longs : les habitants de ces territoires sont les grands oubliés de la République ! », affirme-t-il. (« 7 salariés sur 10 vont travailler en voiture », Insee, 13 février 2019)
Lyon et Bordeaux mieux placés que Toulouse et Montpellier. Raisonnant aussi par destination (lieu de travail), André Broto constate que les quatre plus grandes villes de ces trois régions (Lyon, Toulouse, Bordeaux et Montpellier) « abritent un million d’emplois, dont 310.000 sont occupés par des navetteurs long. La part modale des transports en commun s’élève à 37 % pour les navetteurs longs à destination de Lyon, à 18 % pour Bordeaux, 11 % pour Toulouse et 10 % pour Montpellier ».
La clé est dans le développement de l’intermodalité, et non pas du seul rail, selon lui. « Il faudrait pouvoir enchaîner un premier déplacement pour rejoindre une gare, puis un trajet rapide avec un train du quotidien, enfin un dernier déplacement pour rejoindre la destination finale », en métro ou tramway notamment. La définition même de la nouvelle loi Serm* (services express régionaux métropolitains), qui privilégie clairement le rail, ne serait donc pas adaptée.
* « En dehors de la région d’Île-de-France, un service express régional métropolitain est une offre multimodale de services de transports collectifs publics qui s’appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire », source : legifrance.