À l’heure du départ, les confidences de coach Canayer (MHB)

27 mai 2024

Avec le soutien des collectivités, renforcé par un pool d’entreprises depuis 2012 (entrées au capital de la société sportive), Patrice Canayer a propulsé le MHB (Montpellier Handball) de club moyen à institution européenne. Avec 14 titres de champion de France et 2 Ligues des Champions (2003 et 2018). Il tire sa révérence ce vendredi 31 mai, lors du dernier match au FDI Stadium, contre Toulouse, après 30 ans comme entraîneur et manager général du club.
Chaude ambiance et larmes garanties, avec médias nationaux et un concentré inédit de décideurs et élus au mètre carré. Les Indiscrétions ont recueilli quelques confidences auprès de l’intéressé. Un regard aiguisé sur les évolutions sociétales et les dérives du management.

Patrice Canayer
Patrice Canayer ©DR

Il ne va pas planter un potager. Cet « homme de gauche » comme il se définit, élu régional en charge de l’attractivité et des marques Occitanie (Fabriqué en Occitanie, Sud de France, Occitanie Pyrénées-Méditerranée), conférencier et consultant, Patrice Canayer quitte le MHB. Mais pas pour planter un potager. Dans son rôle d’élu à la Région Occitanie, il insiste sur l’importance « de créer des pôles économiques forts en dehors des métropoles. Il faut fixer une population sur son territoire, sans avoir de villes-dortoirs. Cela passe par les mobilités, l’éducation, l’activité économique… » Il distingue « l’attractivité d’un territoire, qui se mesure, et son rayonnement, qui est la perception que l’on en a ».

« La haute performance, c’est accepter l’inconfort ». « La haute performance, c’est la maîtrise des émotions bien plus que la technique. Pour maîtriser les émotions, individuellement et collectivement, il faut se retrouver dans des situations d’inconfort, et non pas de bien-être. La performance est une exigence fatigante. La haute performance, c’est ce qui fait passer de la 3e à la 1re place, de la finale perdue à la finale gagnée. Or, on entre aujourd’hui dans une ère où il faut du sens et du bien-être au travail, des beaux bureaux, etc. L’idée est que, mis dans les meilleures conditions, les salariés seront plus performants. Dans le très haut niveau, je n’y crois pas. Cela dit, tout le monde n’est pas fait pour ce niveau d’exigence. Je le comprends. Il m’est arrivé d’ailleurs de dire à des joueurs, ou des salariés du club : ‘Si tu veux une vie plus tranquille, va dans un club de milieu de tableau. Tu auras moins de pression.’ »

« Je ne te dérange pas, tu ne me déranges pas ». « Ce qui me gêne aujourd’hui, c’est qu’il n’y a que les entraîneurs qui se mettent la pression. Les joueurs ne se mettent plus la pression entre eux. C’est la tendance du ‘Je ne te dérange pas, tu ne me déranges pas’. La priorité est de bien s’entendre. On ne se bouscule pas. Or, le niveau d’exigence doit être partagé. Mais plus personne ne se dérange. Cela relève du diktat. On se parle, mais on ne se dit pas les choses, sinon cela passe pour de la malveillance. Globalement, les dirigeants ne mettent pas la pression sur les joueurs, les financiers non plus, et la presse est très gentille. Mais pour atteindre un objectif, il y a un prix à payer, qu’il faut évaluer.»

Nouveau stade, nouvelles recettes. Il se dit « certain » qu’un nouveau stade de hand sera construit à Montpellier, même si le projet prend du retard. « C’est décisif pour la billetterie et le marketing général. Le filiale MHB Events a été créée pour avoir la gestion du futur équipement. Si on passe par des intermédiaires, les taux de marge se réduisent. » Le modèle économique doit être concerté en amont. « La nouvelle salle d’Aix-en-Provence (architecte : Christophe Gulizzi, note) est magnifique. Mais elle est mal desservie et le club estime qu’elle lui coûte trop cher. L’exploitant, Lagardère Live Entertainment, estime qu’il ne gagne pas assez d’argent dessus. En clair, personne n’est content. »

Management de l’urgence. « Il y a une similitude dans la façon dont nous avons gagné les deux Ligues des Champions, à 15 ans d’écart. Avant les finales, l’équipe était dans une mauvaise dynamique. Je me suis retrouvé dans un management de l’urgence, et j’ai dû trouver les moyens de remobiliser tout le monde, pour passer d’une dynamique de l’échec à une dynamique de victoire. »

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