Les viticulteurs du Languedoc-Roussillon devront, à partir de 2025, se passer de la marque commerciale Sud de France sur l’étiquetage des bouteilles de vins. Le couperet est tombé au cœur de l’été, fin juillet. Pour le ministère de l’Agriculture, « la mention Sud de France ne correspond ni à une zone administrative, ni un groupe de localités, ni une sous-région viticole. La mention de la marque peut créer une ambiguïté sur le contenu du cahier des charges ou sur la délimitation géographique d’une appellation ».
Pour bon nombre de professionnels, c’est un coup dur, qui vient s’ajouter aux effets du réchauffement climatique sur le vignoble et à la baisse de consommation du vin sur le marché domestique. Sud de France n’a pourtant pas été créée hier : cette marque ombrelle est née en 2006 par Georges Frêche, alors président de l’ex-région Languedoc-Roussillon. Depuis, elle a permis d’imposer une identité à l’export, et de placer le vignoble du Languedoc-Roussillon sur la carte du monde. « En 15 ans, les consommateurs ont pris des habitudes », résume Anthony Bafoil, président gardois de la Fédération des caves coopératives. « Alors qu’ils sont, à New York ou ailleurs à l’export, jusqu’à présent rangés dans un rayon Sud de France, nos vins vont se retrouver dans une colonne ‘Divers France’, sans identité et bien moins vendeuse auprès du consommateur », renchérit Miren de Lorgeril, membre du conseil d’administration du conseil interprofessionnel des Vins du Languedoc et présidente du Groupe Lorgeril.
Juridisme excessif. Miren de Lorgeril regrette une « victoire du juridisme excessif et de la bureaucratie », une « autoflagellation dont la France est capable. Sud de France n’est peut-être pas une réalité géographique clairement définie, mais pas plus que Sud-Ouest ». Cette appellation n’est, elle, pas remise en cause car il existe un comité de bassin viticole baptisé ‘Sud-Ouest’. Sur cet exemple, « j’ai proposé que l’on change le nom du comité de bassin Languedoc-Roussillon, pour le renommer Sud de France. L’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité) a d’abord accepté, avant de revenir sur la position l’an dernier. »
Carole Delga, présidente de l’Occitanie et de Régions de France, tacle une décision « brutale » du gouvernement, alors que « les vins estampillés Sud de France ont beaucoup progressé à l’export en 15 ans ». Premier vignoble de France, le Languedoc-Roussillon produit 34 % du volume de vin français, avec 13,2 millions d’hectolitres en 2022, selon la Draaf Occitanie. Avec 1.900 entreprises adhérentes et 13.500 produits référencés, la marque Sud de France continuera d’exister, précise la Région Occitanie.
Sud de France ne fait pas l’unanimité dans la viticulture du Languedoc. Jean-Benoît Cavalier, président de l’AOC Languedoc perçoit quant à lui Sud de France comme un vecteur d’affaiblissement de son appellation. « Cette marque peut créer un préjudice pour des indications géographiques comme Pays d’Oc ou l’AOC Languedoc. Ce qui était au départ une marque ombrelle a été peu à peu utilisée comme une indication géographique. » Jean-Benoît Cavalier souhaite trouver une solution de sortie. Il ne se dit pas opposé à l’utilisation d’une marque « semi-figurative, sans texte. Le ministère a imposé une décision sans nous concerter. La profession a été écartée, alors qu’elle est la première concernée ». Les services de la Région Occitanie vont travailler avec la filière à la création d’un nouvel identifiant puissant pour soutenir la commercialisation des vins régionaux.