Comment les infrastructures de transport peuvent-elles s’adapter aux effets du réchauffement climatique ? Après les inondations meurtrières qui endeuillent la région de Valence et l’Espagne, le supplément « Midi Libre », paru ce 3 novembre et dont la rédaction nous a été confiée, est malheureusement d’une sinistre actualité.
Des autoroutes sous les eaux. Ce scénario, peu crédible il y a quelques années, devient réalité. Exemples récents d’inondations qui ont impacté le réseau concédé : en 2016 sur l’A10, à hauteur d’Orléans ; En septembre 2021, l’A9 a été coupée dans les deux sens entre Nîmes et Montpellier, la situation nécessitant l’évacuation d’une trentaine de personnes. « Quand nous avons conçu les autoroutes, elles devaient résister à une crue centennale (qui a une chance sur 100 de se produire chaque année, ndlr). Sur l’A10, nous en avons récemment vécu trois en trois ans. Cette récurrence d’épisodes extrêmes abîme les infrastructures, car elles n’ont pas été conçues pour les absorber », décrypte Julien Thomas, directeur régional Sud-Ouest de VINCI Autoroutes.
« La gestion des crises climatiques devient une des spécificités de notre métier d’exploitant autoroutier. Les infrastructures subissent des événements extrêmes, qui sortent du champ historique du dimensionnement des ouvrages », observe-t-il. Comment s’adapter ? À court et moyen terme, VINCI Autoroutes travaille à partir du retour d’expérience d’épisodes récents pour adapter l’infrastructure, améliorer sa résilience et lui permettre de mieux résister et d’être plus rapidement remise en service après la crise. À Orléans, l’ouvrage inférieur laissant passer le cours d’eau a ainsi été élargi à 7 mètres, après une phase de concertation avec les acteurs locaux.
Un actif vital de l’État. Pour anticiper le long terme, la question des investissements massifs à consentir pour améliorer la résilience du réseau autoroutier national doit se poser. « Nous sommes à un tournant où il faut collectivement prendre des décisions sur ce qu’on attend de nos infrastructures, insiste Julien Thomas. Il n’y a pour l’instant pas de débat public sur le sujet, alors que la question est cruciale. » Le montant des travaux d’adaptation des infrastructures autoroutières aux enjeux climatiques se chiffre, pour la France, à environ 10 Md€. « Investit-on ces montants, pour pérenniser l’existant ? Ou bien, fait-on le choix d’attendre, en gérant les crises en temps réel, en faisant des adaptations ponctuelles ? Sachant que les événements climatiques, eux, ne vont pas attendre, et vont de plus en plus dégrader les infrastructures », avertit l’ingénieur.
En clair, si aucune décision n’est prise, les coûts futurs de l’adaptation, voire des réparations, seront « sans commune mesure » avec le montant estimatif actuel. Et si la facture est certes élevée, VINCI Autoroutes la met en regard avec la valorisation des autoroutes concédées dans les comptes de l’État – environ 190 Md€. « Le réseau autoroutier est un actif stratégique et vital. Il supporte l’économie du pays, et correspond à un effort réalisé par les générations précédentes. La question qui se pose aujourd’hui, c’est : accepte-t-on d’investir une fraction de l’effort consenti par nos parents et grands-parents, pour assurer la pérennité du réseau autoroutier ? », interroge Julien Thomas. « Quant au financement, le modèle de la concession a montré par le passé son efficacité pour porter des investissements importants sur les grandes infrastructures linéaires, sans faire appel aux finances publiques. La France y a recours depuis des siècles », conclut-il.
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