Fin du CII : les PME innovantes de l’Hérault freinent leurs projets

14 octobre 2024

Dans l’Hérault, terre de PME innovantes et de start-up, l’annonce de l’arrêt du Crédit d’impôt innovation marque un coup d’arrêt, entre révision de projets à la baisse et gel d’embauches. Les Indiscrétions ont enquêté auprès de PME innovantes du territoire. 

Chemdoc Water
Basée à Clermont-l’Hérault (34), Chemdoc Water Technologies misait sur 45.000 euros de CII en 2025 et 80.000 euros en 2026. ©Chemdoc Water Technologies

Sorte de Californie française, la métropole de Montpellier – avec son slogan « Montpellier la surdouée », dans les années 80 – et l’Hérault misent sur l’innovation pour compenser l’absence historique de filière industrielle puissante. La très probable (sauf revirement lors du vote du budget) non-reconduction du CII (crédit d’impôt innovation) à partir de 2025 fait l’effet d’une douche froide.

« On touche directement à un moyen financier dédié aux PME qui portent un projet d’innovation de marché, proche de la commercialisation. Alors que le crédit d’impôt recherche, préservé l’an prochain, concerne la création de connaissance, et est principalement utilisé par des grandes entreprises », compare Arnaud Marchand, président du cabinet de conseil Jubea (Lattes, 11 salariés).
« Nous préparons un dossier CII depuis plus d’un an, à la fois en interne et en ayant recours à un cabinet conseil. L’annonce de l’arrêt du dispositif démotive, explique Mathilde Boulachin, PDG de Chavin (20 salariés, vin sans alcool, Béziers), qui part à l’assaut du marché américain. Et nous serons obligés de faire des choix, en lançant par exemple trois développements de produits innovants au lieu de cinq. »
« C’est une très mauvaise nouvelle, enchaîne Salvador Pérez, président de Chemdoc Water Technologies (30 salariés), qui vient de lever 4,5 M€ pour déployer son offre de machines mobiles de traitement de l’eau. « Depuis trois ans, le CII représentait 30.000 euros de financement annuel. Nous misions sur 45.000 euros de CII en 2025 et 80.000 euros en 2026…. On va devoir faire sans. » Cela passera par des suppressions de budgets de communication, et l’annulation du recrutement d’un chef de marché, dont les missions seront réparties entre différents postes existants. Même ressenti pour l’agence e-commerce CibleWeb, qui prévoit « le gel des embauches et le report du lancement d’un développement autour de l’IA », indique le PDG, Guilhem Gleizes. Pour cette PME, le CII représentait environ 40.000 euros par an.

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« Le premier risque, c’est d’affaiblir l’innovation dans les petites structures industrielles, et de ralentir l’incitation à innover. Alors que ce qui distingue aujourd’hui un suiveur d’un leader, c’est l’innovation, complète Laurent Ventura (ESII et UIMM Méditerranée Ouest). Mais l’innovation coûte cher quand les marges s’érodent. Le CII était un vrai avantage concurrentiel pour se lancer sur des marchés en France comme à l’international. L’enlever peut réduire la compétitivité des entreprises. » Pour ESII, l’arrêt du CII signifie une réduction de moitié des aides à l’innovation. Parmi les solutions, « travailler l’innovation collective avec les clusters en région et les fédérations professionnelles, comme l’UIMM, qui met en place des outils dédiés à l’innovation comme l’Industry Lab à Baillargues (34) ». Par ailleurs, des process et outils vont être remis en question. « Nous accélérerons l’IA, qui permet de développer l’innovation, et l’impression 3D, qui permet de diminuer les coûts des prototypes. » Enfin, les sources de financement seront diversifiées au maximum, « auprès des partenaires financiers, des Région, de Bpifrance et de l’Europe ».

« Les projets d’innovation dans les PME sont placés dans l’incertitude en 2025 : le CII permet de financer jusqu’à 30 % des dépenses d’innovation », résume Benjamin Néel, président de Laboxy, logiciel de suivi de la R&D (Nîmes), qui a lancé dans Les Indiscrétions dès le 7 octobre (lire en cliquant ici).

Créé en 2013, le CII est utilisé par environ 10.000 entreprises au niveau national. 88 % d’entre elles comptent moins de 50 salariés (Sources : Jubea et Bercy). Pour en bénéficier, la PME doit porter un produit s’éloignant de l’offre existante. Différents critères peuvent être mis en avant : technique, fonctionnalité, ergonomie, écoconception.

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