Ce 12 juin, journée placée sous le thème de la filière de l’éolien en mer flottant, à l’Espace Jacques Brel de Port-La Nouvelle, afin d’établir un tour d’horizon des enjeux et de l’avancée des projets du domaine, en présence de plus de 200 acteurs de la filière. D’ici 2025, les côtes audoise et catalane accueilleront deux fermes pilotes. Viendraient ensuite de nouveaux parcs commerciaux en Méditerranée, sauf en cas de nouvelle politique impulsée par un possible nouveau gouvernement – un éventuel gouvernement RN pourrait freiner le secteur des énergies renouvelables. Des appels d’offres sont en cours d’attribution. En parallèle, une filière industrielle est en cours de création. Les Indiscrétions y étaient.
Une filière « dans l’incertitude jusqu’au 7 juillet. » « La filière de l’éolien en mer navigue à vue jusqu’au 7 juillet » (date du 2e tour des législatives, note), relève Christophe Manas, président de la Commission Méditerranée et conseiller régional de la Région Occitanie. Ce, alors que la filière de l’éolien en mer se structure. « La région dans sa globalité contribue à cette progression, souligne Pierre Benaïm, secrétaire général Stratégie Régionale Innovation Occitanie et directeur délégué Innovation de l’agence Ad’Occ. Montpellier apporte une expertise dans le développement de projet (et organise ce jeudi 20 juin après-midi, à la Halle de l’Innovation, les premières Rencontres des Energies renouvelables, note), l’ingénierie et la Recherche & Développement (R&D) avec plus de 30 entreprises. Toulouse contribue par son savoir-faire dans l’aéronautique (environ 40 entreprises), très utile pour l’éolien en mer ». Afin de structurer cette filière économique, la Région a créé Wind’Occ pour lier entre elles les entreprises impliquées. « Au total, 212 entreprises échangent via ce cluster, compte Christophe Manas. Les ports de Marseille et de Port-La Nouvelle travaillent ensemble à une stratégie portuaire de la façade française méditerranéenne. »
Les deux fermes pilotes, Eolmed et EFGL, devraient être déployées en 2025, confirme Pierre Benaïm. Une réflexion est en cours pour favoriser l’inclusion des acteurs implantés sur le territoire. Un groupe de travail, dont l’association Wind’Occ fait partie, rédige une charte d’engagement pour la filière d’industrie française. La volonté serait d’abaisser le critère prix, de 70 % à 50 %, de la notation des projets, « pour laisser la place à d’autres critères davantage soucieux de l’environnement et de l’inclusion du contenu local dans les projets, détaille Arthur Serment, chef de projet au Pôle Mer Méditerranée. Nous souhaitons que la considération géographique ait une plus grande importance. »
S’inspirer des appels d’offres précédents. Alors que la fin du dépôt des candidatures concernant l’appel d’offres numéro 6 (AO6) est attendue pour le mois d’août, et la désignation du lauréat pour décembre, Aldrik de Fombelle, lauréat de l’appel d’offres numéro 5 (AO5) avec « Pennavel » en mai, souligne la similitude entre les deux projets. « En remportant un appel d’offres de la sorte, on gagne un droit exclusif pour obtenir un permis de construire, explique celui qui est directeur du développement commercial d’Elicio. Nous nous attendons à avoir des recours contre nous, eu égard à la zone concernée (à proximité des côtes de Belle-Île, note), et nous ne pouvons rien faire tant que nous sommes en justice. » De plus, Pennavel est le premier projet de parc éolien flottant commercial au monde à bénéficier d’un contrat de complément de rémunération grâce à RTE, qui assurera le raccordement au réseau. Aldrik de Fombelle invite le lauréat de l’AO6 à s’inspirer de l’exemple de Pennavel. « Quelque part, nous sommes des premiers de série avec l’AO5. La production locale, c’est l’avenir industriel, mais ça n’a de sens que si c’est compétitif et pérenne », conclut-il.
Des projets d’ampleur. Après l’AO6, plusieurs appels d’offres devraient – là encore, en mettant en perspective la politique du futur gouvernement. « Nous attribuerons l’AO9 fin 2025, lance Frédéric Autric, directeur de projet éolien flottant en Méditerranée au sein de la Dreal Occitanie. Nous comptons aujourd’hui 10 GW au large des côtes audoises, et nous avons réalisé une planification pour atteindre 45GW en 2050. » Il estime qu’en moyenne, il faut compter sept ans entre l’attribution d’un projet et sa mise en service. « Pour ce projet au large des côtes audoises, nous avons recherché le fuseau de moindre impact, explique Yannick Bocquenet, responsable projets concertation chez RTE. Il contourne la Clape et plonge au niveau de Narbonne-Plage, jusqu’au poste en mer, à plus de 30 km des côtes. » Et d’annoncer : « Le 26 septembre, nous connaîtrons, sur l’ensemble des quatre façades maritimes françaises, quelle sera la cartographie de l’éolien en mer, à 10 ans, et à horizon 2050. »
Les pêcheurs s’impliquent avec Pôle Méditerranée Services. Les acteurs de la filière de la pêche ont créé, en mai, l’association Pêche Méditerranée Services (PMS) qui devrait laisser la place, d’ici 2025, à une Scic (société coopérative d’intérêt collectif). Cette initiative a pour but de réduire les pertes économiques de la pêche, en considérant l’éolien comme un atout plutôt que comme un fardeau. « N’oublions pas qu’il y a quelques années, 99 % des pêcheurs étaient contre l’éolien en mer », lance Bernard Pérez, co-président de la nouvelle association. « Ce projet est unique en Europe, ajoute Sigrid Véland, chargée de mission d’entreprises Ad’Occ. Avec PMS, nous garantissons une gouvernance partagée, et une gestion sécurisée. » Parmi eux, se trouvent au moins deux représentants des ports de pêche du Grau-du-Roi (30), Sète (34), Port-La Nouvelle (11) et Agde (34).
Une fois l’association devenue Scic, il lui sera possible de répondre à des appels d’offres. La coopérative propose déjà du transport d’équipage, de matériel, mais aussi de la location de navire ou des services de tourisme industriel.
Un groupe R&D Occitanie pour répondre aux enjeux technologiques et scientifiques. En plus de l’association PMS, cette journée de l’éolien flottant en mer est l’occasion de lancer le groupe Recherche & Développement (R&D) Occitanie. « Nous voulons structurer le sujet, répondre aux enjeux technologiques et scientifiques et à des appels à projets », développe Alexandra Bertron, professeur à l’Insa Toulouse. « Il y a de nombreux challenges dans ce domaine, concernant la surveillance, la détection, le monitoring, complète Petru Notingher, professeur à l’Université de Montpellier. Nous voulons cerner au mieux le sujet. Les contributeurs intéressés peuvent déjà nous rejoindre ! »
J’en apprends plus ici
Wind’Occ lance également son Annuaire des compétences. « L’idée est de répondre aux besoins de recrutement, d’augmenter les viviers de profils, et de parler de ces métiers de demain au plus grand nombre », précisent Valérie Poplin, directrice opérationnelle du campus des métiers, et Samuel Pluche, chargé de missions Cemater. L’annuaire est découpé en quatre blocs : développement de projet, fabrication, construction et exploitation pour une meilleure accessibilité.
Développement d’Open-C, réseau de sites d’essais. Dans la filière de l’éolien, les réseaux de sites d’essais se multiplient. «Open-C, notamment, permet de fédérer. Ce réseau propose un lieu pour faire de la R&D, projette Christophe Manas. Nous ne sommes qu’au début de l’éolien flottant en mer, il reste un long chemin. Nous travaillons notamment sur l’optimisation des machines. » Avec Open-C, la Région Occitanie et Ad’Occ travaillent à la mise en place d’un site d’essai de grande puissance. « Ce genre de site peut accueillir des éoliennes qui produisent plus de 10 MW chacune, ajoute-t-il. L’objectif, c’est d’en avoir qui peuvent aller jusqu’à 15 MW ». Pour rendre possibles ces installations, des critères comme la qualité des sols ou la proximité à des sites de raccordements sont primordiaux. Les Indiscrétions avaient révélé le projet le 26 février, à croquer ici
Le groupe SLB annonce une nouvelle ligne de production à Béziers, sur 6.000 m2 d’extension. L’éolien en mer a aussi une dimension industrielle. L’outil industriel de SLB Cameron (ex-Schlumberger), à Béziers, se positionne sur ce nouveau marché. « Nous avons identifié cette zone comme capitale pour l’éolien en mer », explique Luc Mas, directeur de SLB Béziers. En ce moment, la société produit des connecteurs d’amarrage pour Eolmed, l’un des deux consortiums lauréats des fermes pilotes. La question de la quantité se pose pour SLB. « Pour un flotteur d’éolienne en mer offshore, il faut six connecteurs, soit plus de 1.000 heures de travail pour une turbine unitaire de 10 à 20MW, calcule Benoît Jauzion, directeur du bureau d’études de SLB Béziers. Alors pour une ferme de 500 MW à 1 GW, c’est colossal. Il faudrait produire un flotteur par semaine… » Pour faire face, SLB automatise ses chaînes de production, avec notamment une nouvelle ligne baptisée ‘l’Agile Factory’. Elle devrait être mise en service au quatrième trimestre de 2026. « Il s’agit de relever les défis de l’industrialisation par l’automatisation, explique Luc Mas. Cette ligne est le plus gros projet de l’histoire de SLB. Elle s’étendra sur 6.000 m². » Les Indiscrétions en ont parlé dès février, et c’est à lire ici
Le Toulousain MCE GmbH sur les rangs. De plus en plus d’entreprises, auparavant éloignées de la filière de l’éolien en mer offshore, s’orientent vers business. C’est le cas de MCE GmbH (465 employés, 150 M€ de CA), dont la filiale française est basée à Blagnac (31) et travaille principalement avec Airbus. « Nous avons essayé d’imaginer des lignes d’assemblages de flotteurs, développe Bruno Vidal, directeur commercial de MCE GmbH. Nous avions déjà ce savoir-faire dans l’aéronautique. Notre entreprise est un bel exemple de pont entre l’aéronautique occitanienne et l’éolien flottant. »
Dans la foulée, Thomas Debize, ingénieur éolien en mer au sein de la Semop qui exploite le port de Port-la-Nouvelle, fait un point sur l’avancée des travaux d’extension du port, détenu par la Région Occitanie. « En plus des 3 km de digues, nous avons construit le terminal EMR (énergies marines renouvelables), qui sert aux deux projets pilotes », ajoute-t-il. Les travaux ont notamment vu sortir de l’eau près de 10 hectares pour l’aménagement du môle marchandise. En amont, la zone arrière logistique est terminée, sur environ 70 hectares.
La livraison des infrastructures portuaires et maritimes est prévue pour fin 2025, et la livraison totale du port pour l’année 2026.