L’échangeur nord de Clermont-l’Hérault, c’est pour quand ? Pourquoi n’y a-t-il pas ne serait-ce qu’un pauvre hôtel au bord du lac du Salagou ? Le Zan (Zéro artificialisation nette) ne présente-t-il pas un risque de désertification des petites communes ? Faut-il créer une communauté d’agglomération à l’échelle du territoire, regroupant les trois communautés de communes existantes (Vallée de l’Hérault, Clermontais, Lodévois-Larzac) ?
Plaisir d’avoir coanimé, le 16 mai au Domaine de Granoupiac avec Bernard Bilhac (La Table Ovale), 2h de débat avec le préfet de l’Hérault, François-Xavier Lauch, devant 250 élus et décideurs du territoire.
« Je suis un préfet qui aime l’entreprise. Je suis à la tête d’administrations, en lien avec l’intérêt public. Mais je ne produis pas de richesse, déclare François-Xavier Lauch. Les producteurs de richesses, ils sont dans la salle. Un de mes rôles est de développer l’activité du territoire. France 2030 aide directement les entreprises, aux côtés des collectivités locales. On peut créer les conditions pour que les entreprises travaillent correctement, notamment sur le sujet de la recherche de compétences, ce qui n’est pas évident alors que le chômage s’élève pourtant à 10,4 % dans l’Hérault ; Et aussi, en développant des infrastructures de transport », dont le demi-échangeur nord de Clermont-l’Hérault (dont le principe est acté par l’État, et qui doit être intégré au contrat de plan autoroutier, sans calendrier prévisionnel à ce jour). Preuve d’une attente forte : le nouvel échangeur de Clermont-l’Hérault est le premier sujet poussé par les entrepreneurs de La Table Ovale, consultés par leur président Bernard Bilhac. « Il faut d’abord se mettre autour de la table avec les collectivités locales. J’ai besoin de mesurer l’appétence des collectivités locales à y aller », déclare François-Xavier Lauch.
Course contre la montre. « L’Hérault compte 15.000 habitants de plus tous les ans, et ce mouvement va se poursuivre, soit 300.000 habitants supplémentaires d’ici à 2050. Il faut adapter les infrastructures et les utilités publiques. Depuis 50 ans, les collectivités jouent une course contre la montre dans cette adaptation. Où loge-t-on les nouveaux habitants ? Quels établissements scolaires crée-t-on ? Comment faire en sorte qu’elles accèdent aux loisirs, à l’emploi ? C’est un enjeu tout à fait étonnant pour un préfet. La majorité des départements de France ne sont pas dans cette situation. Je viens du Tarn (où il a converti le projet d’autoroute A69 entre Toulouse et Castres), département semi-rural : la question qui se pose, c’est la fermeture d’écoles. » Côté infrastructures, le préfet reconnaît une « incomplétude » des infrastructures, que viendront combler le projet ferroviaire LNMP (entre Montpellier et Béziers, à l’horizon 2034) et le contournement ouest de Montpellier, concédé à Vinci Autoroutes (à l’horizon 2029, le dossier d’autorisation environnementale vient d’être déposé). « Le long des autoroutes, des élus font remonter le manque d’échangeurs. Il y a un chemin étroit à trouver », quand la politique des transports pousse vers le rail.
L’après Soumont. Quel avenir pour le site d’enfouissement de Soumont, à côté de Lodève, après sa fermeture programmée en 2031 ? « Il faudra regarder la question de la valorisation du site. Globalement, on sait qu’on ne peut pas faire grand-chose dessus. Généralement, ce sont des sites propices aux énergies renouvelables, notamment photovoltaïques. Mais ce n’est pas au préfet de le déterminer. Le préfet, il autorise. »
« Le Zan (Zéro artificialisation nette) va-t-il accentuer la désertification des petites communes ? », interroge Bernard Bilhac. « Le Zan est un sujet compliqué, c’est l’un des points les plus discutés entre les élus et les préfets et services de l’État, admet le préfet. Rappelons que ce sont les législateurs qui ont impulsé le Zan, à travers la loi Climat&Résilience, votée dans un contexte précis. Le ‘Z’ de Zan, pour ‘Zéro’, n’est qu’en 2050. Le mitage de nos territoires est un sujet très préoccupant. Il y a eu autant d’artificialisation entre l’immédiate après-guerre et maintenant qu’entre le Moyen-Âge et la Seconde guerre mondiale. Si on continue comme ça, c’en est fini des espaces naturels et de l’agriculture. » L’artificialisation des sols entraîne aussi une « baisse drastique de la biodiversité. Les agriculteurs sont en train de s’adapter, sur les produits phytosanitaires par exemple ».
Comment faire ? « Il faut une stratégie d’urbanisme dans les territoires. Il n’y en a pas toujours. Et se poser plus qu’avant la question de la reconstruction sur l’existant. La restriction sur la terre nouvelle va inciter les acteurs économiques à y aller. Et il y a beaucoup de subventions, dont une partie importante du Fonds Vert. J’en ai réparti 30 M€ l’an dernier sur le territoire, c’est la moitié des dotations de l’État. Il y a aussi politique de reconquête des friches. Il faut aussi se convaincre que certaines choses ne pourront plus se faire, comme les zones commerciales. On ne peut pas revitaliser les centres-bourgs et développer des zones commerciales immenses en périphérie. »
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« Le bâtiment et l’immobilier vont devoir se transformer complètement ». Alors que Bernard Bilhac s’inquiète de la situation dans le bâtiment, « un secteur d’ordinaire pourvoyeur d’emplois pour les jeunes non qualifiés », le préfet répond : « Demandez aux chefs d’entreprise si les Md€ de MaPrimeRénov’ ne leur est pas utile. Demandez-leur si les 30 M€ du Fonds Vert mis l’an dernier ne créent pas de l’emploi. » Bernard Bilhac : « Les volumes dans le bâtiment ne sont pas là, Monsieur le préfet. » Le préfet : « Parce que c’est un secteur qui va devoir ‘shifter’ (se transformer, note) complètement. Avant, on faisait de la grande promotion immobilière. Ce temps-là est un peu passé. En revanche, la rénovation de centre-ville, la petite rénovation intérieure, a de l’avenir. Nos concitoyens n’en peuvent plus du montant des factures d’énergie. Et la rénovation énergétique est fortement soutenue par l’État. C’est sûr, c’est un changement complet de paradigme. Et on peut réutiliser les zones commerciales ou tertiaires, comme c’est le cas autour de Montpellier, à Lattes et Pérols au sud, et à Grabels au nord (Euromédecine). »
Dieu Écologie. La prestation du préfet, et sa disponibilité (de 19h à 0h30, quand même), ont été appréciés, d’après le micro tendu par Les Indiscrétions lors de l’apéro. Bernard Bilhac et certains autres acteurs économiques pointent cependant un discours parfois empreint du « Dieu Écologie », pour reprendre l’expression de Bernard Bilhac – même si François-Xavier Lauch se défend d’être « l’écologiste de service. Dans le Tarn, j’ai signé pour construire une autoroute, je vous le rappelle ». « Je ne comprends pas le non attrait touristique du lac du Salagou voulu par la préservation environnementale, pointe Bernard Bilhac. Le classement Natura 2000 empêche de créer tout développement économique sur un lieu d’exception, hormis un camping. Les gens viennent, se baignent, font du VTT, mais ne peuvent pas y dormir. Il n’y a pas de qualité d’accueil, ni de toilettes. On ne peut pas y manger, ni y dormir. Regardez ce qu’on a fait autour du Lac Léman ou du lac d’Annecy. À notre échelle, il y aurait quelque chose à faire, dans le respect des normes. Quand on connaît taux de chômage sur le territoire, et qu’on se congratule d’avoir classé le lac, cela m’irrite. »
Là encore, le préfet n’a pas le même point de vue : « L’objectif des élus du cru, c’est la préservation des espaces naturels. Il faut des espaces urbanisés et d’espaces naturels. Même si cet espace a été construit par l’homme (à la fin des années 60, pour l’irrigation, note), c’est l’une des zones les plus préservées de l’Hérault. Préserver un espace n’est pas l’opposer à l’activité économique. Il y a de l’agriculture sur les bords du lac, les agriculteurs étant des chefs d’entreprises. L’activité touristique doit être quant à elle limitée à ce que la zone peut porter. Et est-ce que le lac d’Annecy est un modèle ? Je n’en sais rien. » L’obtention du label Grands Sites de France (attendue dans les prochaines semaines, pour le lac du Salagou et le cirque de Mourèze) « est tout sauf mettre un territoire sous cloche ».
Projet d’agglomération du Cœur d’Hérault : « Il faut un accord politique entre élus. » Faut-il créer une communauté d’agglomération en fusionnant les communes de communes de la Vallée de l’Hérault, du Clermontais et du Lodévois Larzac, dans la foulée du Scot voté en 2023 ? « Il faut un accord politique entre élus. L’État ne tapera pas du poing sur la table pour forcer des gens à travailler ensemble. C’est le préalable. Un travail est à faire pour y aller ensemble, en définissant un projet commun. Et il y a peut-être des étapes intermédiaires : définir des dossiers en commun, et vérifier si cela fonctionne, si tout le monde est d’accord. Des formes d’associations intermédiaires sont à lancer : transport, développement économique, environnement… C’est sûr qu’une agglomération plus grande, c’est plus d’ingénierie, plus de compétences, plus de moyens financiers. Mais tout cela est finalement très politique. »