
« En Occitanie, d’ici 2040, la part des personnes de plus de 85 ans doublera »
En déplacement à Montpellier ce 26 mars, Nicolas Mérigot, directeur général France du groupe Clariane évoque le secteur de la santé pour les seniors. Entre des difficultés à financer son offre, et une image écornée par le scandale d’Orpéa et les révélations du livre Les Fossoyeurs, de Victor Castanet, tour d’horizon. « Trois questions à… », la rubrique où le tutoiement est de rigueur.
Comment se porte la filière à l’issue de l’année 2024 ?
Nous sortons d’années compliquées d’un point de vue financier. Pour rester simple, nos activités sont financées majoritairement par des financements collectifs, par la Sécurité sociale. Ces tarifs-là ont augmenté moins vite que l’inflation sur nos coûts, alors rapidement, on ne s’y retrouve pas. Le coût de l’énergie a été multiplié par 3, l’alimentaire a fait + 25 %, les dispositifs médicaux + 15 %… Pour vous donner une idée, un groupe comme Clariane, qui fait 5,282 Mds€ de chiffre d’affaires, et un déficit de 55 M€. À l’heure actuelle, pour l’ensemble du secteur, 60 % des cliniques privées sont en déficit, tout comme un Ehpad sur deux (privé, public ou associatif). Les hôpitaux publics auraient un déficit cumulé de 3 Mds€, c’est vertigineux. Tout cela, on le doit en grande partie à cette inflation qui n’a pas été reportée sur nos tarifs, et l’écart se creuse encore.
Et notre filière a été émaillée par l’affaire Orpéa, et les révélations de Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs : révélations sur le système qui maltraite nos aînés. J’ai été le seul acteur privé à accepter de témoigner dans son livre. Cet ouvrage a eu le mérite de révéler le système d’Orpéa, mais ça a déclenché un « Ehpad-bashing ». Nous devons passer à autre chose pour se concentrer pleinement sur la transition démographique d’ampleur qui nous attend.
Comment vois-tu l’année 2025 ?
Nous sommes en pleine négociation avec les autorités publiques sur les campagnes tarifaires. Dans le sanitaire, on nous annonce 0,5 % d’augmentation, donc ce sera encore insuffisant pour compenser l’inflation. Et du côté médico-social, c’est une aberration du système. Je commence l’année le 1er janvier, et la finis le 31 décembre, mais je ne connaîtrai mes tarifs qu’autour du 15 juin ! Alors, jusque-là, on navigue à vue. Tout ce que nous demandons, même si c’est difficile, je l’entends, c’est d’avoir une politique pluriannuelle. Qu’on nous annonce des budgets sur deux ou trois ans. Nos dépenses s’étalent souvent sur le temps long. Concernant notre groupe, aucune acquisition prévue pour cette année, ni de croissance externe. Nous nous concentrons davantage sur le développement d’activités en interne. Par exemple, notre Ehpad à Béziers (34) est centre territorial de ressources. À Blagnac (31), nous avons une clinique qui se développe bien sur la réhabilitation neurologique. De 2017 à 2023, nous avons investi près de 250 M€ par an, en France.
En Occitanie, d’ici 2040, la part des personnes de plus de 85 ans doublera, et passera de 200.000 à 400.000. Qui va s’occuper de ces personnes ? Je pense aussi que la création d’un comité de filière serait bénéfique pour réunir tous les acteurs et définir une stratégie sur le long terme.
Au niveau de la formation et de l’emploi, quelle politique mènes-tu ?
Je crois que la question de l’engagement des jeunes dans ces métiers-là est fondamentale. Et je mettrai toujours en avant la formation sur le terrain. Nous devons plus recruter. Nous n’avons pas suffisamment de formations. Les instituts de formations en soins infirmiers et d’aide-soignant (IFSI et IFAS) ne sont pas complets. Un tiers des étudiants abandonnent en première année, 20 à 25 % des infirmiers diplômés n’exerceront jamais et se serviront de leur diplôme pour accéder à un master. Chez Clariane, 2.700 de nos collaborateurs sont engagés dans de la formation, ce qui représente 12 % de nos salariés en CDI. Rien qu’en 2024, Clariane a délivré 180 Validations des acquis d’expérience à ses collaborateurs. C’est un diplôme d’État. Nous recrutons 50 % de nos aides-soignants par la formation professionnelle.
En Occitanie, nous avons 25 maisons de retraite médicalisées, c’est-à-dire des Ehpad (sous l’étiquette Korian). Puis nous avons une activité sanitaire, avec 10 cliniques en soins médicaux de rééducation (SMR) et de santé mentale, avec 10 établissements également. Et nous avons également une activité de maintien à domicile, avec le réseau « Petit Fils ». Nous avons 20 agences réparties en Occitanie. Puis nous avons deux « Ages & Vies », qui est un dispositif à mi-chemin entre l’habitation individuelle et l’Ehpad. On a des seniors, avec des troubles physiques mais sans troubles cognitifs, en colocation, avec des assistants de vie. Il y a les repas en commun, les activités aussi. Nous avons l’une de ces colocations à Livinhac-le-Haut (12). C’est également une manière de permettre aux petites villes rurales d’avoir des solutions pour garder les personnes âgées sur leur territoire. Des maires nous sollicitent.