
« Faire de l’insertion n’est pas incompatible avec le pilotage d’une activité »
La directrice de la PME « Pierre en Paysage » (Banyuls-sur-mer, 66), Catalane de 53 ans, est la nouvelle présidente de la Fédération des entreprises d’insertion. Élue début décembre à Lille, quelles sont ses valeurs ? Sa trajectoire ? Ses messages ? « Trois questions à », la rubrique où le tutoiement est de rigueur. Entretien réalisé pour Les Echos.
Nadia, comment as-tu accédé au monde de l’insertion ?
Je suis titulaire d’un diplôme scientifique et technique sur la gestion de la forêt méditerranéenne. J’ai découvert les chantiers d’insertion en 1999, en travaillant pour la structure associative IFE (Information Formation Emploi), active sur la côte Vermeille. En 2009, j’ai cofondé, et pris la direction, de l’entreprise d’insertion « Pierre en Paysage » (12 salariés, dont 6 en réinsertion), spécialisée dans l’aménagement de jardins et la construction de murs en pierre sèche. Ces constructions sont spécifiques de ma région littorale de Banyuls-sur-Mer.
Chez moi, dans ma famille, la politique s’invitait souvent à table. De cet héritage, j’ai gardé une certaine méfiance pour l’argent (rire). Par exemple, je n’ai pas perçu un euro de dividende, en 15 ans, chez Pierre en Paysage. L’entreprise va devenir une Scop (société coopérative et participative) cette année.
Comment as-tu vu évoluer le profil des publics en insertion, en 25 ans ?
Les publics d’insertion sont de plus en plus affaiblis par des burnout, des déséquilibres psychologiques, une déshumanisation des services publics. Quand j’ai débuté, au début des années 2000, les addictions étaient le principal frein à l’emploi.
Dans ce contexte, nous valorisons toujours une chose positive : un permis de conduire décroché, un logement enfin trouvé…
Quels sont tes messages, comme nouvelle présidente de la Fédération des entreprises d’insertion, aux entrepreneurs et au gouvernement ?
Dès que l’on emploie un bénéficiaire du RSA ou un demandeur d’emploi indemnisé, l’État fait une économie. Faire de l’insertion demande un effort supplémentaire, mais n’est pas incompatible avec le pilotage d’une activité. De plus, les entreprises d’insertion innovent et expérimentent, dans le tri, le paysage, le numérique ou encore l’économie circulaire. Ces champs qu’elles ont explorés sont devenus des filières.
J’entends donner une meilleure image de l’insertion, et ai conscience qu’il va falloir se battre : les budgets des Départements et de l’État vont se restreindre. Il nous faut aussi nous fédérer davantage, entre entreprises d’insertion et classiques, pour les marchés relatifs aux clauses d’insertion. Les volumes sont importants. Un important travail est mené avec EDF sur un barrage en Haute-Savoie, et aussi sur les chantiers autoroutiers. Mais il y a le risque à terme que des grands groupes, peu acculturés à l’insertion, s’immiscent dans ces clauses d’insertion pour des raisons purement économiques. L’insertion ne doit enfin pas se cantonner à des métiers peu qualifiés.
> Plus à lire dans Les Echos de ce lundi 20 janvier (print et web), en rubrique » Carnet » (2e cahier).