« On entame la campagne 2023 avec un déficit hydrique »
Pas facile de l’avoir en interview, mais le jeu en vaut la chandelle. Marie Corbel, ex-directrice de l’ODG Faugères, est depuis septembre 2022 responsable R&D du Conseil Interprofessionnel des Vins du Languedoc et IGP (CIVL), présidé par Christophe Bousquet. Une création de poste, ô combien stratégique, alors que le vignoble languedocien est aux prises avec les effets du réchauffement climatique. L’interview ci-dessous est un extrait d’un format plus long à paraître dans ToulÉco. « Trois questions à », la rubrique où le tutoiement est de rigueur.
Face au réchauffement climatique, en quoi le vignoble du Languedoc-Roussillon, le plus vaste du monde, est-il selon toi menacé ?
On entame la campagne 2023 avec un déficit hydrique. Les nappes phréatiques ne se sont pas rechargées cet hiver. Des inquiétudes s’expriment désormais clairement chez les viticulteurs. Nous observons une accélération du processus de réchauffement climatique, qui n’est pas linéaire, mais par paliers, comme le décrivent les rapports du Giec. À long terme, la question de la survie du vignoble est en jeu.
Dans ce contexte, quelles solutions peux-tu apporter, à travers le CIVL ?
En tant qu’institution de la filière, le renforcement de la mission technique actée par les représentants professionnels du CIVL est déjà une réponse. Nous montons des projets de recherche, en finançant par exemple une thèse, Résist’eau, portant sur l’adaptation de nos variétés résistantes à la sécheresse. Cette thèse illustre un changement d’époque. Avant, les recherches étaient menées en silo – résistance aux maladies des plantes, tolérance au stress hydrique etc. Désormais, la sécheresse infuse tous les projets, de façon transversale. Les résultats de Résist’eau seront présentés lors de notre assemblée générale, en juillet.
La filière viticole occitane, à travers ses quatre interprofessions (CIVL, InterOc, IVSO, CIVR), a par ailleurs signé le 27 février, lors du Salon de l’Agriculture, un accord avec l’Inrae pour le déploiement, à travers 2025, de neuf « variétés Bouquet ». Ces variétés, naturellement tolérantes aux maladies de la vigne, adaptées au climat méditerranéen et promesses de grands vins, ne peuvent jusqu’à présent être plantées librement, ni être destinées à la production de vins sous signe de qualité. Ce matériel végétal, considéré comme ‘jeune’, a franchi des étapes de validation, avec notamment le projet expérimental Oscar Oc. Depuis 2018, 28 ha de plantation ont permis de démontrer le potentiel d’adaptation de ces variétés aux différents terroirs de la région. Nous allons rendre accessibles à la filière des variétés qui sont une des solutions pour demain.
Pourquoi as-tu accepté ce défi au CIVL ?
Je m’appuie sur une double compétence, académique et de terrain. Chercheuse en génétique (dont la génétique végétale), je suis également ingénieur agronome diplômée, ce qui m’a amené à travailler dans la filière viticole régionale. J’ai notamment été directrice du cru Faugères (34), ce qui m’a permis de comprendre le rôle des syndicats et des ODG (organismes de défense et de gestion), et de connaître le terrain.
>Marie Corbel a également été journaliste (Paysan du Midi puis Objectif LR). Comme on dit dans la profession : le journalisme mène à tout, à condition d’en sortir.