« Le tourisme ne peut pas faire plus chaque année »
Il est parti discrètement, fin mars, de la direction générale du CRTL Occitanie (président : Vincent Garel), après six ans de services. Philippe Berto, qui était directeur général délégué, assure l’intérim, « en attendant qu’une fumée blanche sorte de la cheminée de l’Hôtel de Région Occitanie », glisse le CRTL. Jean Pinard, basé en Auvergne, s’est reconverti en « consultant en progrès touristiques », avec un fort écho sur LinkedIn : son post sur l’impact touristique des images des JO de Paris 2024 enregistre près de 40.000 réactions, 2.450 republications et … 4 millions d’impressions ! De quoi faire pâlir tous les médias de la place. « Trois questions à… », la rubrique où le tutoiement est de rigueur.
Jean, pourquoi quitter la direction du CRTL, et que fais-tu désormais ?
Je n’avais jamais fait plus de 6 ans au même endroit. J’habite en Auvergne, au sud de Clermont-Ferrand, à côté d’Issoire. Il n’y a pas de connexion ferroviaire entre cette région et Toulouse.
En tant que consultant, je souhaite porter la notion de progrès dans le tourisme. Progrès lié à l’environnement – on doit réduire les émissions de CO2 -, progrès social – on doit faire partir plus de gens en vacances, on voit le bénéfice sur les enfants qui en sont d’ordinaire privés – et progrès économique – comment créer plus d’emplois pérennes dans le tourisme.
La conjoncture touristique est, en juillet en Occitanie, « en léger retrait », selon une enquête mensuelle du CRTL (lire en cliquant ici). Quelle analyse portes-tu sur la saison 2024 dans ton ancienne région ?
Tous les ans, il y a ce débat sur le fait de savoir si la saison touristique a été bonne ou pas bonne. Chaque année, début août, on se rend compte que juillet ne fait pas forcément recette. Les écoles ferment de plus en plus tard. Les résultats du bac sont tombés le 8 juillet. Cet été, on dénombre 5 semaines de vacances en août, contre 3 en juillet. Et, au final, l’Occitanie fait jeu égal avec juillet 2023, avec seulement – 1 % dans le Lot ou le Gers, par exemple. C’est loin d’être poussif ou timide. Si les agriculteurs se plaignaient de telles performances, on ne les croirait pas.
Par ailleurs, je pense que le tourisme ne peut pas faire plus chaque année. Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, l’économie touristique de même. Les deux années post-Covid ont été très bonnes, les gens se sont lâchés. Ils avaient fait un peu d’économies pendant le confinement. Aujourd’hui, globalement, les dépenses sur le temps libre (culture, expositions, concerts, tourisme…) sont un peu en baisse. Mais l’Occitanie bénéficie d’un paramètre météo indéniable. Il fait beau, et ça fait quand même toute la différence par rapport à la moitié nord du pays.
Quels point forts et axes d’amélioration identifies-tu pour le tourisme régional ?
Mon ancien poste de directeur du CRTL Occitanie était génial (sic). Il existe en Occitanie une diversité d’offres inégalée, avec la montagne, le littoral, les campagnes, les métropoles, des petites villes, des villages classés… Il y a toujours eu, de la part des acteurs publics, depuis la strate communale jusqu’à la Région, une vision de qualité, de préservation de l’environnement, d’engagement dans les labels (dont le Salagou récemment), ce qui donne toujours un temps d’avance, sur les Pavillons Bleus, les Grands Sites de France… Cela contribue à l’attractivité. C’est un point fort.
La faiblesse réside dans une offre d’hébergement qui ne se renouvelle pas, sur le littoral ou dans les Pyrénées, et pas assez dans la campagne. Si on ramène le nombre de lits touristiques en Occitanie au nombre de nuitées, le ratio est l’un des plus mauvais de France (avant-dernier, derrière la Corse). L’offre née de la mission Racine (stations balnéaires du littoral) date d’il y a 60 ans, et vieillit. Réinventer cette offre est un enjeu capital pour la suite. L’Occitanie est la région la plus au sud de France. Elle ne bénéficie pas du positionnement géographique premium des Hauts de France, située entre Bruxelles, Paris et Londres. L’Occitanie n’est pas une destination de week-end, à part pour les Auvergnats. Il faut développer plus de services, proposer une offre de qualitative, poursuivre la montée en gamme en termes de classement. De bons exemples existent, comme la marque de campings Yelloh !Village, créée par Bernard Sauvaire à Aigues-Mortes (30). Ce type de marque visionnaire fait monter en gamme les campings et contribue à améliorer leurs performances économiques.
> Article sur ce thème paru dans Les Indiscrétions le 8 juillet, à lire en cliquant ici.