« Le centre de décision d’une entreprise doit rester local »
Membre du directoire en charge de la Banque de Développement régional (entreprises, immobilier professionnel, collectivités locales et leurs satellites, bailleurs sociaux) de la Caisse d’Epargne Languedoc-Roussillon – où il succède à Nathalie Bulckaert-Grégoire -, Guillaume Beroujon commence l’entretien, ce 1er octobre, par un tonitruant : « Alors, vous avez été rédacteur en chef de La Lettre M ! » Passées les deux secondes réglementaires de surprise, je ne peux que valider cette information objective (2001-2019 au service de ce valeureux titre de presse indépendant, qui organise par ailleurs ce 7 octobre ses ‘Masters’ au Pasino de La Grande-Motte). En rappelant que j’ai, depuis mon départ, bricolé deux ou trois choses. Magie des interviews et des making-of. Plus que jamais : « Trois questions à », la rubrique où le tutoiement est de rigueur.
Guillaume, tu arrives de Bretagne et Pays de la Loire, où tu as officié 23 ans, pour le même groupe bancaire. Quel est ton rapport d’étonnement après quelques mois d’Occitanie Est ?
Je viens d’un territoire riche au niveau industriel, le 3ᵉ de France. Ici, j’identifie plutôt des niches : écosystème de santé, innovation au sens large – tech mais aussi sociale -, énergies renouvelables. Le fait que le territoire soit plus pauvre que d’autres l’oblige à être plus inventif, au service de filières d’excellence : transition énergétique, numérique et IA, cybersécurité. Ce sont là des relais de croissance structurels pour le territoire.
Comment est structurée la Banque de Développement Régional en Occitanie Est ? Et quels sont les projets ?
Avec ses 65 experts, la banque de développement régional de la Caisse d’Epargne LR apporte des offres et des solutions en matière de prêts Green, de supports de collecte (ISR et comptes à terme verts) pour flécher l’épargne de nos déposants vers les projets de transition environnementale des différents acteurs économiques de notre territoire. En matière de responsabilité sociétale et environnementale (CSRD), nos équipes peuvent mettre en relation les PME avec des partenaires utiles. Comme l’accélérateur RSE coconstruit avec Leader Occitanie, mais aussi la French Tech, Satt AxLR… En termes de montants de prêts, nous pesons l’an dernier 650 M€ de crédits moyen et long terme sur les entreprises, la promotion immobilière et le logement social. Nous comptons 1.200 collectivités clientes, 700 clients dans le secteur de l’économie sociale et solidaire et 1.500 clients entreprises.
Nous avons des filières dédiées : viticulture, Santé (sanitaire et médico-social). On réfléchit à créer une filière tourisme. Il y a beaucoup de choses à faire en matière d’hôtellerie de plein air, pour structurer une offre de qualité. Une personne est dédiée à l’innovation tech, à travers Néo Business. À ce jour, une centaine de clients sont issus de Néo Business. Parmi eux, il y aura sans doute demain des ETI. Parmi les clients marquants, Swile, Watertracks (robots sous-marins capables d’extraire les sédiments se déposant au fond des lacs artificiels), ou encore une transmission familiale alésienne, BEA Informatique. Le père, Frédéric Muh, était dans la prévention des attaques, et ses enfants viennent apporter de nouvelles solutions : sortie de crise, développement des systèmes de renforcement des infrastructures et des systèmes d’information… Comme vous le disiez, je suis originaire de Bretagne et Pays de la Loire. J’ai gardé de ces régions une conviction : le centre de décision d’une entreprise doit rester local. Elle garde ainsi un moyen d’agir, et préserve sa réactivité et sa proximité.
Instabilité politique, austérité budgétaire, croissance en berne… La rentrée économique est marquée par un attentisme des acteurs. Quel message souhaites-tu leur adresser ?
Je souhaite apporter un message d’optimisme, pour encourager les acteurs économiques à poursuivre leur développement. Le contexte n’est pas si mauvais : taux d’intérêt en baisse, régulation des prix des matériaux et de l’énergie. Il ne faut pas adopter des stratégies en fonction d’éventuels changements fiscaux sur les entreprises, mais raisonner par rapport à son propre savoir-faire et son carnet de commande. Bien sûr, des secteurs sont en difficulté. Je pense, ici, à la viticulture et l’immobilier. Nous sommes un banquier de long terme, avec des équipes à même de comprendre le modèle d’affaires du client, ses qualités de direction, sa connaissance du marché. Lors des comités d’engagement, je représente les commerciaux qui montent les dossiers. Et c’est à moi que l’on donne la parole en dernier, ce qui peut jouer. On peut aussi rentrer des bilans financiers dans une machine, mais ce n’est pas la meilleure façon de prendre une décision éclairée d’octroi.